Je suis prêt à parier que tout auditeur normalement constitué écoutant en blind test le tout nouvel album de Barrett Elmore aboutirait systématiquement à la conclusion qu'il a affaire à une production datant de la fin des années 60. Et pourtant, contrairement aux apparences, "Woodlands" a vu le jour en 2012.
Barrett Elmore est un groupe qui nous vient de Suède. Faut-il voir un hommage à Syd Barrett dans le nom de leur groupe ? Toujours est-il que leur musique s'inspire fortement de celle de Pink Floyd, période 67-71. Nos suédois assument crânement leur propension au psychédélisme et poussent le soin du détail jusqu'à donner à leur production un son vintage : les voix sont en général sous-mixées et l'instrument soliste, la guitare jouant souvent ce rôle, ressort très en avant, les autres se fondant dans un magma étouffé. Comme au bon vieux temps des enregistrements 4 et 8 pistes !
Le court instrumental d'introduction, judicieusement baptisé 'Entrance', donne le ton de l'album. Ses guitares rebondissantes, ses percussions discrètes, ses nappes d'orgues semblent sortir de la BO du film "More". Les trois titres qui suivent sont de la même veine. Le chant, tantôt féminin, tantôt masculin, est impersonnel et éthéré, le tempo est lent, les instruments sont évanescents. On n'est pas loin du trip sous acid période "Flower Power" et des paradis artificiels. Le groupe nous extirpe cependant des brumes bienheureuses d'une période hippie sous héroïne pour nous transporter au cœur d'un western ('Storm', 'The Brook Horse') avant de nous faire pénétrer dans l'univers inquiétant de l'instrumental 'Lost in the Swamp' et des chants fantomatiques et désincarnés de 'Dusk'.
Après le solennel et nostalgique 'Woodlands', le groupe nous livre son titre le plus expérimental. 'Psilocybe Semilanceata' désigne un champignon hallucinogène qui modifie les perceptions de celui qui en consomme et induit des distorsions visuelles, auditives, ... Tout un programme qui prouve que le groupe ne manque pas d'humour. Et la musique diffusée par ce titre s'apparente effectivement parfois à des distorsions auditives. Voix trafiquées, brutales interruptions, notes étirées, sons grinçants, effets stéréo, le groupe n'est pas avare d'originalité, pillant sans vergogne le répertoire floydien : battements de cœur à la "Dark Side Of The Moon", guitare électrique et basse expérimentales façon "Piper At The Gates Of Dawn", claviers mode "More" ou "Meddle".
Tout en restant fidèle à leur style de prédilection, Barrett Elmore arrive ainsi à diversifier son propos. L'alternance d'instrumentaux, de chants féminins et masculins contribuent à cette diversité, de même que l'utilisation de nombreux samples (rires, tonnerre, pluie, …). Jouant à fond la carte du rétro, il donne parfaitement l'impression d'avoir remonté le temps de cinquante ans. Un disque plutôt réservé aux nostalgiques de cette époque.