The Mars Volta est un des groupes contemporains qui clive le plus les passions. Difficile de rester insensible à l’écoute des œuvres complexes et colorées de Cedric Bixler-Zavala et Omar Rodríguez-López, duo texan géniteur d’une musique d’inspiration surréaliste et psychédélique. Le sixième album de The Mars Volta, Noctourniquet, annonce une mini révolution, trois ans après Octahedron.
La révolution tient du contenu musical qui tranche fortement avec les compositions longues et complexes des débuts. Sur Noctourniquet un paroxysme est atteint dans cette volonté (qui date des deux derniers albums) de ramasser l’inspiration avec une nouveauté dans l’ajout de nombreuses touches électros. The Mars Volta arrive à rendre sa musique plus accessible, parfois popisante ("Noctourniquet"), sans dénaturer sa profonde originalité. Le tout est régi par un concept général qui créé une impressionnante cohérence harmonique et narrative.
Une fois la surprise des premières écoutes passée, il faut composer avec le constat d’un The Mars Volta plus tempéré dont la créativité s’exprime particulièrement dans les nombreux mid-tempos ou ballades du disque. La ballade marsvoltienne n’est jamais vraiment de tout repos et il faudra avoir le cœur bien accroché à l’écoute d’une telle sensibilité dégagée par "Empty Vessels Make the Loudest Sound", "Imago" ou "Trinkets Pale of Moon". Le sommet est atteint à l’occasion de "The Malkin Jewel", saccadé, déstructuré et épileptique, qui comme son nom l’indique est un bijou proche du chef d’œuvre.
Hormis deux petits passages à vide à mi-course ("Lapochka" et "In Absentia") noyés dans une épaisse couche de samples inorganiques, Noctourniquet renoue avec une fraîcheur et une énergie qui rappellent celles d’At The Drive-In. "The Whip Hand", "Dyslexicon" et la très hendrixienne "Molochwalker" sont autant de morceaux alliant puissance rock, psychédélisme des années 70 et modernité des sonorités. A l’image de la pochette de Sonny Kay (un artiste proche de Jeff Jordan, l’illustrateur fétiche du groupe), Noctourniquet est d’une pureté mêlée de froideur (le côté presque indus de certains samples) et de chaleur (l’énergie du rock et l’émotion des mids-tempos).
Le vertige créé par les œuvres de The Mars Volta est presque aussi grand que celui que l’on ressent devant des œuvres picturales surréalistes. Décrire Noctourniquet c’est prendre le risque de ne pas saisir le sens du propos, d’omettre de donner une explication, pis, de faire des contre-sens. Les chansons renvoient parfois à des références cinématographiques ("Zed And The Two Naugths") ou mythologiques qu’il faudrait analyser et commenter. Les réseaux sociaux et autres forums rivalisent d’inventivité et chacun y va de son interprétation. Nous ne sacrifierons pas à cet exercice aussi risqué qu’exigent pour vous laisser vous faire votre propre idée et découvrir les nombreux détails qui entourent l’œuvre de ce groupe hors norme.