"Sloe Gin" c'est avant tout un alcool de prune. Dans le monde du blues, c'est également le titre d'une chanson de Tim Curry parue en 1978. Pour Joe Bonamassa, c'est le titre de son album le plus schizophrénique. En effet, jamais avare en expérience et toujours partant pour emmener l'auditeur vers une autre voie que celle proposée sur l'album précédent, le bougre relève le pari de mélanger acoustique et électrique dans le même album.
Sur le temps d'une première session, il capte tout en acoustique des titres comme 'Ball Peen Hammer' enrichi d'une section de cordes, le nostalgique 'Around The Band' au feeling incroyable (et qui prouve quel grand compositeur il est), le groovy 'Jelly Road', le bien nommé 'India', instrumental riche en cithare, ou le Folky 'Richmond'. Et quand il ne joue pas seul, le groupe derrière le suit tout en piano et batterie chichement composée afin de maintenir intacte l'ambiance très roots qui sied à ces titres. Si nous avions pu ça et là, au gré des précédents albums, gouter au plaisir du jeu de Joe Bonamassa sur une guitare sèche, une telle concentration de joyaux du genre rendent tout de suite l'album indispensable.
Le plus surprenant est que ces titres viennent se mêler à ceux captés sur une session électrique. Le 'One Of These Days' de Ten Years After au final aérien ou le 'Black Night' au riff bien Heavy de Charles Brown (qu'on jurerait ici être du Led Zep) sont tellement réadaptés que la version originale semble bien terne. 'Another Kind Of Love' de John Mayall vient apporter la touche nécessaire d'Happy Blues alors que 'Sloe Gin' révèle sur 8 minutes tout le génie de Bonamassa qui, une fois de plus, transcende l'original (démarrage intime, retour de l'orchestre, samples de voitures de police et final majestueux, nous sommes ici dans un véritable film). Afin de parfaire le pont entre les deux sessions, le 'Seagul' de Bad Company ou le lourd 'Dirt In My Pocket' mêlent habilement les genres en faisant cohabiter l'électrique et l'acoustique pour un résultat ultime, entre la grâce du touché fragile et la force du Blues-Rock grinçant et roulant.
Alors que le pari aurait pu être casse-gueule, une fois de plus Bonamassa, tel le roi Midas, transforme tout ce qu'il touche en or et le plaisir de gouter aux deux facettes de l'artiste avec une telle osmose en fait peut-être l'un des meilleurs opus de l'artiste. Chapeau !