A l'aube du XXIéme siècle, Jethro Tull, qui nous a si souvent bercé de ballades folkloriques à tendance médiévales, revient avec un album au nom diablement moderne. "J-Tull Dot Com" évoque bien évidemment le nom d'un site internet, ce qui tombe bien puisque c'est justement l'adresse du site que le groupe vient de créer. Le groupe aurait-il amorcé un virage vers un style plus contemporain ? Eh bien pas vraiment. Pour le meilleur et pour le pire Jethro Tull continue à faire du Jethro Tull, et plutôt d'une bonne cuvée. Ainsi retrouve-t-on dans cet album tout ce qui fait le charme de ce grand groupe. Et tous ses petits travers aussi.
La première partie de l'album penche assurément du côté des réussites. Hormis le décevant 'Hot 'Mango Flush', exercice sans grand intérêt destiné à démontrer les capacités techniques de Martin Barre à la guitare, tous les titres, de 'Spiral' à 'El Nino', font la démonstration des qualités de compositeur de Ian Anderson. Certes, il n'y a pas à proprement parler de tube, rien qui incite à se dire : "Whoa ! Quel morceau !", mais tout respire le travail d'orfèvre, alors que l'application et l'implication du groupe sont évidentes. Si 'Spiral', 'Wicked Widows', ou encore 'Hunt By Numbers', sont des rock/hard-rock dans la bonne moyenne de ce que le Tull a souvent proposé, 'Dot Com' a un petit côté new age, 'Awol' est un titre hybride entre ballade folk et envolées quasi prog, et 'El Nino' développe une inquiétante mélodie orientale.
Les quatre titres suivants sont un peu le ventre mou de l'album: 'Black Mamba' reste dans la veine orientalisante de 'El Nino' mais souffre de répétitivité, 'Mango Surprise' n'a qu'un seul intérêt, celui d'être court, et 'Bends Like A Willow' et 'Far Alaska' sont des rocks bien faits mais sans surprise. Enfin, l'album se termine sur trois morceaux folk, le meilleur étant le titre caché 'The Secret Language Of Birds', un titre cadeau issu du prochain album solo de Ian Anderson.
Un Ian Anderson qui, s'il n'a pas retrouvé les capacités vocales de sa jeunesse, compense en nuances ce qu'il a perdu en puissance. Quant à la flûte, elle est omniprésente pour notre plus grand plaisir et Ian Anderson a peut-être rarement aussi bien joué. De trilles en volutes, elle s'enroule autour des mélodies, tantôt nous enveloppant d'une douceur trompeuse, tantôt plus classiquement pastorale.
"J-Tull Dot Com" reste à ce jour le dernier album de Jethro Tull, le récent "Thick As A Brick 2" étant plutôt à mettre au crédit de Ian Anderson seul. S'il ne peut prétendre faire partie des albums-phares du groupe, il permet cependant de conclure honorablement une carrière s'étendant sur plus de trois décennies.