Troisième album pour le groupe britannique FM, ce "Takin' It To The Streets" sort en 1991. Troisième album et une première révolution: le départ d'un des frangins Overland (fondateurs du groupe)! Exit donc Chris le guitariste du duo. Andy Barnett, qui a cosigné le tube "That Girl" sur le premier opus et qui avait traîné ses suitcases avec les membres du groupe avant leur naissance, le remplace au pied levé. La modification d'1/5 d'un combo entraîne-t-elle une transformation de sa substance ? Méditons sur cette équation chimique.
Histoire de ne pas laisser une migraine s'insinuer insidieusement dans votre pauvre tête fragilisée par des années de headbanging, voici la réponse tant attendue: oui, la substance en est modifiée, en tous cas sur ce coup-là. Oubliées en effet les contrées AOR/FM, ou presque, et bienvenu Monsieur Blues ! Etonnant n'est ce pas ? Messieurs les hard-rockers, ne jetez pas si prestement la pierre au petit nouveau. Il semblerait qu'il ne soit pas ici le fautif puisque le Monsieur aurait plutôt tendance à être plus rude du manche que son prédécesseur. Considérons donc que le changement de style musical appartient à l'ensemble du groupe, une envie issue de l'air du temps… Curieuse idée tout de même, car passer d'un AOR un peu gnangnan, il faut bien le dire, à un disque de Rock Bluesy, c'est sommes toutes assez rare pour être consigné dans le calepin des bizarreries, mais pas dans celui des albums préférés des fans tant cet opus a subi une attaque en règle de ces derniers.
A l'écoute du premier titre ("I'm Ready"), on ne sent pas le vent venir, si ce n'est qu'il peut déjà être constaté que la six-cordes a gagné en agressivité. On pense d'ailleurs sur une partie du riff porteur au "Back In Black" de qui vous savez. Rien de bien méchant côté agressivité toutefois tant on partait d'un héritage plutôt caramel mou. C'est à l'écoute du second titre que la surprise commence à s'inviter au banquet. En effet, positionner une reprise aussi tôt dans l'opus peut étonner, mais se frotter, pour un groupe de ce genre, au méga-succès de Marvin Gay "I Heard It Through The Grapevine", avec les cuivres au programme bien entendu, ça tient de l'incongru. Mais pourquoi pas me direz-vous, si c'est bien fait ? Et c'est le cas ici. Cependant, il est question d'un groupe de Hard-Rock à la base tout de même ! Il est donc permis de s'attendre à autre chose. Dans le genre position surprenante, notons également la présence d'une ballade en troisième piste: "Only The Strong Survive" sera la seule pause-câlins. Elle est bien troussée, quoiqu'elle ne brise pas trois pattes à un anatidé, mais elle rassure les fans car proche de ce à quoi FM nous a habitué.
Et puis vient le virage: les huit titres suivants, excepté "Crack Alley" mais nous y reviendrons, se teintent de Rock plus ou moins Blues, avec de bonnes parties de guitare mais sans mélodies vraiment accrocheuses. Ici et là fleurissent quelques cuivres et des synthés vintages, mais rien qui ne vient booster l'originalité des propos. Tout juste peut on noter avec "If It Feels Good (Do It)" quelques passages sympathiques nous rapprochant du "Rock It" de Def Leppard, mais tout ça, bien que correctement interprété, est peu propice à retenir l'attention hormis le hit de l'opus, un "Crack Alley" qui nous rappelle que sur son terrain de chasse, FM dispose d'armes d'un certain calibre.
Il n'est pas question de blâmer les groupes qui osent sortir de leurs sentiers battus mais, alors que le risque est déjà grand de perturber l'auditoire, il devient létal si l'essai manque de pétillance. FM n'a pas eu ici l'idée du siècle en tournant le dos au genre musical qui lui avait rapporté un certain succès. Gageons que les britanniques sauront tirer des conclusions de cette semi-déception.