Les ficelles sont un peu grosses mais il fallait s’en douter : entre un Vince Neil à la carrière solo hésitante, et un Mötley Crüe qui vient d’encaisser sa première grosse claque commerciale avec l’échec de son album éponyme, premier effort en compagnie de John Corabi, la réunion du line-up d’origine n’était qu’une question de temps. Malgré quelques réticences du chanteur peroxydé, Doug Morris (Warner Bros) et Allen Kovac, nouveau manageur du groupe, ont réussi à convaincre Neil de revenir au bercail. Bob Rock est également écarté de la production au bénéfice de Scott Humphrey et ce "Generation Swine" déboule enfin dans nos bacs à grand renfort de communication de la part du label des Californiens.
Seulement voilà : l’album a déjà été en grande partie composé avec Corabi (il devait d’ailleurs s’intituler "Personnality #9") et Mötley Crüe a décidé de se lancer dans une démarche expérimentale visant à coller à la mode du moment. Ajoutez à cela le fait que Neil et Tommy Lee ne peuvent toujours pas se supporter et vous obtenez un opus schizophrène, sur lequel Vince a parfois du mal à assurer les lignes de chant prévues pour son prédécesseur. Le Crüe mélange allègrement Grunge, Heavy, Punk et Indus à son Hard-Glam pour une espèce de mélasse indigeste, loin de l’enthousiasme communicatif de ses débuts. Certains titres ne décollent pas ("Flush", "Confessions"), englués dans un Heavy trop sombre à la lourdeur trop importante pour le groupe. D’autres foncent tête baissée dans un Punk parfois Heavy ("Generation Swine"), parfois expéditif ("Anybody Out There ? " et sa minute 50), oubliant la mélodie au dépend d’une agressivité mal maitrisée.
Du côté des douceurs, ce n’est pas mieux, même si la production a mis les gros moyens sur "Glitter", ballade indus aérienne sans saveur ni accroche, malgré les participations de Bryan Adams à la composition et des fidèles Robin Zander et Rick Nielson (Cheap Trick) à l’interprétation. "Rocketship" voit Nikki Sixx s’emparer du micro pour déclarer sa flamme à Donna D’Enrico dans une ambiance électro-acoustique spatiale sans ligne directrice, alors que Tommy Lee fait la même chose envers son fils sur un "Brandon" sombrant dans la niaiserie au milieu de violons et piano.
Heureusement, quelques titres viennent sauver cet opus du naufrage complet. L’introductif "Find Myself" voit Sixx et Neil alterner le chant entre couplet et refrain sur un riff puissant et efficace, la voix de Gunner, le fils de Nikki étant utilisée en sample. Le single "Afraid" s’en sort également de justesse, Heavy-Grunge porté par un riff obsédant mené par le duo basse-batterie. Le groove de "Beauty" lui permet de faire passer les pointes d’électro disséminées au milieu d’un Heavy accrocheur. Enfin, "Let Us Prey", bien que lui aussi très éloigné de l’esprit original du Crüe avec ses samples et son Heavy-Indus à la Nine Inch Nails, bénéficie de plusieurs changements de thèmes ambitieux.
Pas grand-chose à sauver donc, même si l’on peut respecter l’énorme prise de risque que cet album représente. A trop vouloir éviter l’anachronisme, Mötley Crüe s’est empêtré dans une impasse artistique, dont l’horrible reprise du "Shout At The Devil ‘97" n’a pour seul intérêt que de nous rappeler que Mick Mars et sa guitare sont toujours présents. Les affiches peuvent bien annoncer ’They’re Back ! ‘ et une boisson spéciale visant à nous faire pisser bleu s’ajouter à la propagande commerciale, cet album n’est pas ce que les fans attendent du quatuor US.