Plongeons-nous à la fin des années 80, quand Death, Morbid Angel, Candlemass ou encore Celtif Frost, rencontrent un franc succès et mettent particulièrement à l'honneur le doom et le death métal. Ces groupes vont avoir de l'influence en Grande-Bretagne et donner naissance à de futurs grands noms du métal, tous formés à la même époque et dans la même région, comme My Dying Bride, Anathema et celui qui nous intéresse ici, Paradise Lost.
Formé en 1988 à Halifax autour de Greg Mackintosh et Nick Holmes, Paradise Lost va très vite faire parler de lui grâce à deux démos et un bootleg live et se faire signer chez Peaceville pour ce premier album, "Lost Paradise", qui sort en Janvier 1990. Les deux compères, déjà accompagnés d'Aaron Aedy et Steve Edmondson, vont réaliser un coup de maître avec ce premier album, alors qu'ils ont à peine 18 ans. Ils nous présentent la synthèse de leurs influences, piochant à la fois dans le death métal pour les vocaux et dans le doom pour la musique, alliant au tout des passages gothiques pour nous présenter un album d'une noirceur extrême et envoutante, digne des ambiances des cimetières et des campagnes du Yorkshire dont ils sont originaires.
Ainsi, malgré un son encore assez primitif, il ressort une œuvre intelligente qui doit son nom au roman de John Milton paru en 1674, intense, morbide et dépressive et à ne pas mettre entre toutes les oreilles, expression d'un mal de vivre que l'on ressent profondément sur chaque piste. En 9 pistes pour 40 minutes, Paradise Lost va lancer sa carrière avec une classe déjà énorme et déjà pas mal de grands titres, à commencer par "Rotting Misery". Dans ce titre, Paradise Lost définit et dépose ce qui fera sa force dans le futur avec un tempo lourd, des claviers discrets mais qui font leur effet, un chant très grave et surtout cette ambiance lugubre et gothique qui fait toute la beauté et la force du morceau.
Par la suite, que ça soit avec "Deadly Inner Sense", "Paradise Lost", "Frozen Illusion" ou "Internal Torment II", le groupe réussit des coups de maîtres. La voix de Holmes est gutturale à souhait et très maitrisée malgré son jeune âge, tandis que le côté oppressant du doom se marie à merveille à ces vocaux. Le tout possède déjà cette atmosphère gothique inquiétante, signant déjà clairement la marque de fabrique de Paradise Lost. De plus, tout est déjà très au point. L'influence death est encore très présente, au niveau des guitares notamment, mais comme sur "Breeding Fear", une petite touche mélodique se fait déjà sentir ainsi que quelques vocaux féminins discrets mais assez révélateur d'une certaine ambition.
Il en ressort un premier album impressionnant de maitrise, conseillé aux amateurs du genre tant il risque de surprendre ceux qui ne connaissent le groupe qu'avec ses albums plus sophistiqués. Car "Lost Paradise" en est à l'opposé, avec un son rugueux et méchant. Paradise Lost signe en tout cas de belle manière son début de carrière, posant les jalons d'un son et d'une manière de faire unique, et signant l'acte de naissance d'une nouvelle scène anglaise.