Rolf Kasparek n'aura donc pas résisté longtemps avant de changer d'avis. Alors qu'il y a moins d'un an on se réjouissait de la belle fin du vaisseau Running Wild avec le live "The Final Jolly Roger" et sa série d'albums studio aussi faibles les uns que les autres, voici que le corsaire allemand annonce qu'il remet ça avec un 14ème album, "Shadowmaker". Officiellement l'envie lui serait venue courant 2011 alors qu'il mettait la main à des séries de compilations auxquelles il ajoutait des titres inédits. De fil en aiguille, séduit par la qualité du matériel proposé, son label l'aurait convaincu d'écrire un album complet. Au delà de cette version idyllique, il est probable que le label ait vu l'opportunité de relancer un nom connu de la scène métallique à peu de frais tandis que Rolf de son côté s'assure certains gains là ou son projet solo, Toxic Taste, peine à décoller.
Malheureusement et on pouvait s'en douter, cet album aura tout comme ses prédécesseurs bien du mal à convaincre. Rolf est resté coincé dans le milieu des années 90 et navigue seul en proposant encore une boîte à rythmes en guise de batterie. Le speed mélodique des années glorieuses est bien loin trop souvent remplacé par un hard rock rapide qui pourrait faire passer cet opus pour le deuxième disque de Toxic Taste.
Si on le compare aux classiques du groupe, "Shadowmaker" est un ratage complet même s'il reste au dessus des honteux derniers disques en date, "Rogues En Vogue" ou "The Brotherhood" par exemple. Il contient même un début intéressant avec deux titres valables "I Am Who I Am" et "Riding On The Tide". Ces deux chansons retrouvent un certain esprit perdu depuis des années avec un air assez épique et un refrain scandé efficace, sonnant comme deux bonnes faces B. Et "Piece Of The Action" malgré un début popisant raté se défend sur la longueur grâce également à son refrain. Malheureusement ce bon début ne dure guère tant la suite retombe comme un soufflet. Il y a du très banal, du très mauvais et même du risible.
Du banal avec des titres plombés par des mauvais choix. Ainsi, "Locomotion" propose un fort bon solo, de loin le meilleur du disque, mais est gâchée par une lourdeur fatigante et un ton général très répétitif ; "Shadowmaker" et "Into The Black" sont potables, le rythme est rapide, proche d'AC/DC pour la deuxième, mais elles sont plombées par des refrains faiblards et encore beaucoup de répétitions.
Pour ce qui est du mauvais, nous avons "Black Shadow", trop longue, lourde et rendue insupportable par un son de batterie infect, répétitif, robotique et décalé du reste de la musique, "Sailing Fire" tout aussi médiocre présentant un mauvais hard rock mollasson ou encore "Dracula" long titre épique pénible, sans idée directrice forte et au refrain niais que quelques bon soli ne sauvera pas. Quant au ridicule, Rolf nous propose "Me + The Boys", improbable titre de hard légèrement FM au refrain en chœurs lamentables et aux paroles grotesques.
Ce retour est donc, malgré des titres passables et un niveau légèrement au dessus de la moyenne de ces 15 dernières années, un ratage pénible et gênant pour les fans qui auraient préféré voir Running Wild s'éteindre. Avec ce "Shadowmaker" Rolf ne fait qu'enfoncer encore plus son navire dans les abimes et salit son cher "Jolly Roger" enlevant tout envie d'être indulgent au moment de juger cet album.