Voici un nouveau groupe venu de Pologne, pays décidément riche en formations de rock progressif de qualité, possédant souvent une coloration un peu particulière.
Les musiciens de Xanadu ont de toute évidence apprécié les productions de Riverside mais on pourrait aussi citer Porcupine Tree (influence évidente chez ces derniers !) et du heavy metal progressif des dernières années. Fait curieux, la formation permanente ne comporte pas de claviériste et ils sont pourtant bien présents sur ce CD. Heureusement pourrait-on ajouter, car ces instruments me semblent essentiels pour enrichir le son du groupe. Ce sont deux invités qui sont crédités aux synthés et ils font du très bon travail en n'utlisant pas seulement des textures classiques mais aussi des timbres cristallins, aériens, souvent abstraits et un peu froids, convenant parfaitement à l'atmosphère mélancolique et même sombre de l'album.
Xanadu joue sur les contrastes, entre guitares cristallines et plombées, synthétiseurs aux timbres glacés et batterie lourde. La voix de Michal Jarski est agréable, claire, grave, ample, parfois traitée avec des filtres, paraissant lointaine comme peut le faire Steven Wilson (notamment sur le premier morceau, "Piece Of Mind" ou "Vicious Circle"). Son style de chant un peu guttural et son choix des mélodies, sa manière de sussurer certaines lignes de manière dramatique sont assez proches de ce qu'a pu faire Mariusz Duda ces dernières années avec son groupe. Jarski s'aventure aussi, mais heureusement en de très rares occasions, dans les contrées du chant très agressif du metal extrême, ce dont les plus sensibles d'entre nous pourraient se passer. On se demande un peu pourquoi le groupe présente deux guitaristes, puisque les soli sont rares. Et c'est plutôt un claviériste permanent aussi doué que ceux qui interviennent ici que Xanadu devrait recruter.
Le bouillonnant "Piece of Mind" et le très accrocheur "Vicious Circle" sont bâtis sur des rythmes plutôt rapides, souvent plus ou moins syncopés, avec des passages calmes, où les guitares laissent parfois la place aux claviers et à la section rythmique. "Dark Shadows" semble donner aussi dans ce style même si près de la moitié du morceau est plus lente et planante. "Miles Away" est plus lent mais passionné, avec des vocaux tragiques sur un fond de guitares traçant un riff orientalisant, rompu par une partie centrale légèrement plus rapide. "One Moment" semble construit un peu de la même manière quoique plus développé. La tension ne se relâche presque pas avec des vocaux sussurés menaçants et des riffs lourds enrobés de synthés au timbre froid. Un refrain majestueux permet heureusement au morceau de décoller un peu.
L'album contient deux longues pièces de 10 minutes. Curieusement, la première, "Violent Dream part 1", est un titre instrumental assez lent pour une bonne partie, dont le thème principal mystérieux et légèrement menaçant est néanmoins facile à mémoriser. Les percussions et la guitare claire du début sont originales mais rapidement on passe à un motif syncopé de double-pédale devenu trop classique chez les groupes de metal, surtout que la batterie est mixée assez en avant (trop). Les claviers sont très importants et les guitares plombées assènent à quelques reprises un riff lourd lui aussi assez classique. Heureusement, le morceau possède de grands passages atmosphériques et un excellent solo de guitare.
Le grand morceau final qui donne son titre à l'album en est également le meilleur : une suite essentiellement lente à la mélodie vocale émouvante mais plus positive, qui illumine ainsi l'album d'une lueur d'espoir bienvenue à côté de la tonalité sombre et parfois oppressante de la majorité des morceaux. Pourtant la deuxième moitié revient à ce style, avec une légère teinte orientale et le morceau s'achève doucement sur cette ambiance dépressive.
"The Last Sunrise" est donc un album intéressant aux atmosphères envoutantes et qui comporte plusieurs thèmes forts, malgré une certaine monotonie. Les musiciens de Xanadu sont talentueux mais le constat est évident : ils devraient se libérer de leurs influences pour développer une musique plus personnelle et éviter par ailleurs certains clichés inhérents au metal progressif.