Depuis plusieurs années, Peter Hammill a habitué son auditoire à des productions intimistes, dépouillées et fort sombres, dans lesquelles les mélodies se font de plus en plus difficiles à cerner. L'apothéose semblait avoir été atteinte avec l'évanescent "Thin Air" paru il y a trois ans.
"Consequences" s'affirme en être le digne successeur et reprend les mêmes recettes : un tempo assez lent, des instruments utilisés avec parcimonie, des squelettes de mélodies et une voix omniprésente, en chant lead, en chœurs ou en multiples superpositions. Plus le temps passe et plus les chansons semblent se resserrer autour de cette voix, Peter Hammill se transformant en une sorte de troubadour moderne capable de cristalliser l'attention de son public avec des moyens réduits à leur expression la plus simple.
Pour ce disque, Hammill a suivi un procédé créatif original (ce qui n'est guère étonnant connaissant l'homme) en enregistrant d'abord toutes les voix pour seulement ensuite habiller chaque titre en lui ajoutant ici un arpège de clavier, là un accord de guitare. La basse, utilisée plus régulièrement que par le passé, porte plutôt ses propres thèmes mélodiques qu'elle ne sert de support rythmique. La percussion est quant à elle pratiquement absente. La musique sert essentiellement à renforcer l'effet d'une phrase ou à l'introduire et reste volontairement reléguée au rang d'accompagnement. La production fait cependant ressortir clairement tous les instruments, la voix passant juste ce qu'il faut au-dessus du reste.
"Consequences" dégage une sombre mélancolie, un désespoir insidieux et emporte peu à peu l'auditeur dans un monde de tristesse infinie, de désespérance sans rémission. Certes, encore faut-il consentir à entrer dans le jeu auquel nous invite le chanteur, cet album ne livrant pas sans résistance ses délices empoisonnés, et nombre d'auditeurs seront désorientés à l'écoute de ce qui leur semblera être des bribes de phrases vaguement chantées. D'autant que l'album est inégal : 'Eat My Words, Bite My Tongue' est un titre d'ouverture qui manque de charisme, de même que 'All The Tiredness' dont l'enchainement avec l'expérimental 'Perfect Pose' à la structure bien difficile à cerner, met à rude épreuve les nerfs du connaisseur le plus indulgent. A l'opposé, le délicat 'Close to Me' dégage une indicible douleur et rappelle l'excellent 'Curtains', quand les thèmes mélancoliques de 'Bravest Face' et 'A Run Of Luck' renvoient à "Everyone You Hold". Enfin 'That Wasn't What I Said' et 'Scissors' développent une ambiance inquiétante et malsaine, à la limite de l'horrifique, par leurs chœurs à la "Usher" et l'interprétation gothique de Peter Hammill.
Poursuivant ce qui ressemble à un long chemin de croix, Peter Hammill livre une fois de plus une œuvre de qualité mais d'un accès difficile. "Consequences" ne réconciliera pas ses détracteurs avec l'artiste. Ses admirateurs, eux, apprécieront certainement cette nouvelle offrande.