Que reste-t-il aujourd'hui de la Sainte Trinité du doom britannique ? Entre un My Dying Bride en pilotage automatique, incapable d'évoluer depuis le four 34.788% ... Complete (1998) et un Anathema jadis inspiré mais désormais banal suiveur, pompant Pink Floyd (Judgement), Radiohead (A Fine Day To Exit) et enfin l'école Steven Wilson, ne demeure donc plus que Paradise Lost dont on peut affirmer sans prendre trop de risque qu'il n'a jamais accouché d'un mauvais disque. Bien que plus lisse, plus pop même, la trilogie One Second/Host/Believe In Nothing gravée entre 1997 et 2001, possède - à raison - ses amateurs.
A l'instar de Moonspell, les Anglais donnent même l'impression, en négociant il y a dix ans un retour en arrière salvateur, d'avoir digéré les différentes lignes de force qui les animent, aboutissant à un style qui noue un peu plus de proximité avec Draconian Times qu'avec les trois albums enfantés à la charnière des années 90 et 2000, desquels il reste pourtant quelques oripeaux, qui peuvent se lire dans certains refrains ou nappes de claviers. Si sur le papier trois ans séparent Faith Divides Us - Death Unites Us de Tragic Idol, dans les faits, les gars d'Halifax n'ont pas pour autant chômé entre le Live Draconian Times MMXI et la mise en branle de Vallenfyre, side-project du guitariste Greg Mackintosh (qui y tient également le micro) et le batteur Adrian Erlandsson déjà auteur d'un EP (Desecration) et d'un premier jet en tout point remarquable (A Fragile King).
Bien évidemment, cette treizième offrande porte la griffe immédiatement identifiable de ses auteurs. Soit, cela est le cas pour beaucoup de groupes, mais Paradise Lost réussit la gageure de respecter une signature sans pourtant sombrer dans le piège de la redite, signature dont les caractères, au final inchangés depuis Gothic, sont le chant charmismatique de Nick Holmes, parfois heltfildien bien que personnel, les riffs entêtants, froids et austères gravés dans le marbre, de Mackintosh, pilier essentiel de ce son brut, tranchant, toujours mélodique et une dimension religieuse prégnante (Icon, Shades Of God...), le tout au service de compositions ramassées, tirées au cordeau.
46 minutes, dix titres et aucun remplissage ni faute de goût, il y a toujours chez les Anglais cette science minutieuse de l'équilibre parfait, de la peinture conçue jusque dans ses moindres détails et recoins. Résultat, tous les morceaux sont de petits bijoux d'écriture, souvent enracinés dans un substrat très lourd ("Crucify"). Certains d'entre eux sont un pur concentré paradiselostien, à l'image de "Fear Of Impending Hell", toujours irrigué par ces guitares tissant des câbles de mélancolie ou "Solitary One", tandis que d'autres étonnent davantage. C'est le cas de "Theories From Another World" à l'entame furieuse, presque Thrash ou de "Worth Fighting For" qui s'ouvre sur des rouleaux de batterie hypnotiques.
Nous pourrions poursuivre en évoquant les cinq autres pistes en présence... ce que nous ne ferons pas, chacune d'entre elles étant de toute façon digne d'éloge, ce qui ne devrait pas vous surprendre si vous êtes des familiers du combo, lequel nous a une fois de plus concocté un programme dont on serait bien en mal d'en dire autre chose que du bien. Forcément proche de ses récents prédécesseurs, habile collection de titres tous plus séduisants et imparables les uns que les autres, Tragic Idol n'est pourtant pas un disque de plus. Il a son identité, sa personnalité. La marque des grands.