Qui a dit que les 'métalleux' n'avaient pas le sens de l'humour et n'étaient pas ouverts d'esprit ? Certainement pas ceux qui ont eu la chance de repérer en 2009 (soit six ans après sa naissance et trois ans après le séminal The Butcher's Ballroom) ce groupe suédois avec un deuxième opus, Sing-Along Songs For The Damned And The Delirious aussi déjanté que son titre. Un visuel des plus singuliers - une illustration représentant des enfants sur un manège - qui tranchait avec les pochettes dont le Metal est coutumier, et surtout, une musique réussissant le grand écart entre aplats plombés et légèreté ensoleillée, ont laissé de profonds résidus dans la mémoire.
Diablo Swing Orchestra, que l'on aurait plutôt cru venir de Norvège, berceau de plusieurs spécimens azimutés, tels que Atrox ou Shining (pas le jadis suicidaire mais l'autre, auteur du curieux Blackjazz), fait honneur à son nom, orchestre de sept musiciens (!) moulinant une partition qui swing et propose une danse diabolique échevelée n'appartenant qu'à lui. Toute l'originalité du collectif réside dans ce mariage improbable entre le Metal et des genres musicaux situés à l'exact opposé du spectre sonore (jazz, salsa...), tavelé de ce on ne sait quoi de démence rampante mais contrôlée. Toujours ! La description peut faire peur, pourtant le miracle est bien là, entre des oreilles que ne doivent pas effrayer le mélange des couleurs.
Si vous avez raté l'épisode précédent, Pandora's Pinata vous donne une seconde chance, opéra baroque où se mêlent trombone, violon et claviers progressif, effluves orientales ("Mass Rapture" au parfum d'Orphaned Land), courte respiration instrumentale ("How To Organize A Lynch Mob", d'un symphonisme tragique) et composition fleuve et orchestrale ("Justice For Saint Mary"), chant féminin, celui hallucinant de Annlouice Loegdlund, d'un lyrisme aussi puissant que démoniaque et organe masculin, celui de Daniel Hakansson, Frank Sinatra d'un nouveau genre suintant d'une sobre tristesse ("Exit Strategy Of A Wrecking Ball").
D'une surprenante fluidité, l'album démarre sur l'accrocheur "Voodoo mon amour", swing diabolique emporté dans un tourbillon halluciné, titre faussement léger où pointe fissure et brèche au fond desquelles se niche une sourde folie. Si le reste est à l'avenant, les Suédois ne se répètent jamais, variant les tempos comme sur "Kevlar Sweetheart", pulsation aux airs trompeurs de ballade, qui passe à la moulinette toutes les mélopées de ces formations de métal à chanteuse, illustrant par la-même les immenses capacités de Annlouice, n'hésitant pas à recourir à des voix d'enfants digne d'un 33 tours écouté en 45, tout cela dans une folle démesure.
Pandora's Pinata a quelque chose d'un pandémonium orgiaque dont une vie entière ne suffira pas à en faire le tour, à en goûter tous les trésors ni toutes les subtilités tapis dans les replis d'une intimité qui nous promet encore bien des surprises à l'avenir...