Peter Bjärgö n'est pas seulement un artiste, il est aussi un dieu. C'est pourquoi chacune de ses offrandes est attendue comme une preuve supplémentaire de son caractère divin. Avec Sophia, Karjalan Sissit ou en solo, il électrise les sens à chacune de ses créations. Alors, quand est annoncé le retour - enfin ! - d'Arcana, sans doute le projet qui aura le mieux su imposer son talent, la génuflexion est de mise.
Bien sûr on savait dès le début qu'Emerald ne serait qu'une petite (par la durée) mise en bouche, prélude à l'imminent As Bright As A Thousand Suns, successeur tardif de Raspail, le dernier album du collectif en 2008. Mais tout de même, là où on espérait une bonne demi-heure de musique, ce ne sont que treize (trop) petites minutes qui prennent place.
Toutefois, cette frustration est très vite balayée, le temps que "As The End Draws Near" égrène ses premières secondes, en fait. Ces nappes orchestrales majestueuses que mine une tristesse belle à en pleurer, suffisent déjà à installer un climat onirique teinté de poésie. Et lorsque que le chant profond de Peter Bjärgö survient, d'un sombre romantisme, ce sont tous les poils du corps qui se dressent. En quelques paroles prononcées, le Suédois renvoi dans le ca(ni)veau dont ils n'auraient dû s'extraire, tous les corbeaux gothiques sans imagination ni élégance. Car de l'élégance, il y en a dans ces lignes vocales d'une puissance émotionnelle inouïe.
Si ce joyau figurera au menu de As Bright As A Thousand Suns qu'il annonce sous les meilleures auspices, "A Cage" et "Precious Stone" sont deux perles exclusives que se partagent Annmari Thim et Cecilia Bjärgö, quand bien même Peter voile de sa présence charismatique le premier des deux, lesquelles, plus contemplatives, baignent dans une spiritualité ensorcelante ou plus dramatique. Du pur Arcana tel qu'en lui-même et tel qu'on l'aime.
L'immédiate déception paraît loin tant Emerald, en dépit de sa famélique durée, mérite une acquisition qui, à l'image de ses aînés, devrait être rendu obligatoire comme la carte vitale ! Entre le récent The Architecture Of Melancholy et la réédition de sa collaboration avec son ami Gustaf Hildebrand (Out Of The Darkling Light, Into The Bright Shadow), toujours chez Cyclic Law, l'overdose de Peter Bjärgö nous guette. Il va sans dire que l'on ne s'en plaindra pas.