A ne regarder qu'une simple photo promo du groupe, on s'attendrait à n'importe quelle musique sauf celle jouée effectivement par ce quator. Le seul indice de l'orientation musicale du groupe, mais là faut-il encore le savoir, réside dans son nom, Iblis, qui désignerait un djinn maléfique. Il aurait une connotation satanique en langue arabe et veut dire démon en turc. La musique est donc black métal mais le groupe, créé en 2001, est polonais. "Menthell" est le premier album du quatuor slave qui aurait évolué d'un "black'n'roll" vers une musique actuelle que l'on peut sans vergogne qualifier de "post" black métal.
Iblis, c'est d'abord et avant tout du black métal dans la forme et en grande partie dans le fond. D'abord il y a un chant guttural possédé accompagné parfois de mélopées démoniaques ou d'outre-tombe. Cependant, le chant de Zgred présente une grande variété dans sa forme avec par exemple un chant clair typé 70's ("Bill Skin Fifth") à l'instar des death-métalleux de Barren Earth. Un autre exemple du panel vocal de Zgred se trouve sur le titre éponyme avec un chant et une voix qui ne sont pas sans rappeler le Cronos (Venom) des débuts. Ce chant polyforme contribue grandement à la richesse de cet album. Un autre aspect profondément black métal de la musique des polonais vient d'une rythmique luciférienne à grand renforts de blast beats. Mais il y a aussi chez Menthell une âme rock'n'roll, Iblis ne s'étant pas tout à fait défait, pour le plus grand plaisir de l'auditeur, de ses origines black'n'roll. De fait à l'écoute de cet album, on pense à une sorte de conjugaison entre Immortal, I, Darkthrone (période récente) et Sarke.
Mais bien plus que ce qui a déjà été évoqué, là où Iblis tire son épingle du jeu c'est que le groupe, sans se départir de son fort ancrage black métal, va un peu plus loin. Avec pour principaux thèmes l'aliénation, les chansons d'Iblis s'avèrent toutes un peu folles à l'image de l'artwork de l'album. Toutes les compositions d'Iblis nous mènent là où on ne les attend pas. Le groupe colore ses compositions en empruntant, à doses toutefois homéopathiques, des ingrédients à d'autres courants musicaux, qu'ils soient métalliques ou non. On trouve par exemple une petite touche électro sur "White Claudia", une très courte touche jazzy sur "12 Sycamores", des dissonances façon mathcore sur "Origin", une touche death-métal un peu technique sur "Bill Skins Filth". Enfin, une autre richesse de cet album se situe dans le jeu de basse de Traktor qui n'est pas confiné à son seul rôle d'accompagnateur et qui insuffle une espèce de "groove" indéniable aux compositions.
Avec ce premier album, Iblis propose donc un album de post black-métal aux solides arguments musicaux. Original en étant ancré dans une certaine tradition, Iblis s'est trouvé un style et, en soi, c'est déjà une qualité musicale pas si fréquente. Et c'est d'autant plus fort que le tout musical de ce "Menthell" sait se faire cohérent, original, avec un petit grain de folie sans tomber dans l'expérimental plus ou moins heureux. Iblis s'avère être une des très bonnes découvertes musicales de cette année 2012 et mérite incontestablement un détour auditif.