En règle générale, les légendes musicales, quelque soit le genre dans lequel elles officient, ont du mal à se renouveler artistiquement, ou même simplement à continuer à proposer des disques potables. De fait, on constate souvent - et le Hard-Rock ne déroge pas à la règle - un certain essoufflement, les groupes sortant des disques "modèle" pour partir en tournée. Mais il existe des exceptions et Napalm Death en est clairement une. Les Anglais nous proposent avec "Utilitarian" leur 15ème disque en plus de 30 ans de carrière et le temps ne semble pas avoir de prise sur la bande de Harris, Embury et Barney Greenway... Bien au contraire, ses derniers albums le prouvent avec force et classe, le Grind-Death-Metal proposé par le groupe est de plus en plus virulent de sorties en sorties.
"Utilitarian" ne fait pas exception tant il montre un Napalm Death au sommet de son art, brut et sans concessions, qui nous propose pas moins de 19 titres dont un seul atteint les 4 minutes. "Utilitarian", comme son nom le laisse deviner, est un concept-album sur les sujets chéris du groupe: le refus des totalitarismes, la critique de la société actuelle et plus spécialement la volonté de consommer utile en fonction du bien que cela apporte aux individus. Et cet aspect engagé transcende littéralement la musique tant on sent un esprit de résistance et de révolte que ne renierait pas les mouvements indignés.
Certes, la violence du tout découragera peut être les oreilles sensibles, mais les autres se régaleront de ce déluge engagé et furieux, d'autant plus que Napalm Death a eu l'excellent idée de faire appel à des invités évitant ainsi une trop grande linéarité. Ainsi, John Zorn et son saxophone viennent donner à "Everyday Pox" une atmosphère glaciale et schizophrénique, pas très loin de ce que proposent les norvégiens de Shining. De même, la présence de chœurs graves sur "Fall On Their Swords" et "Blank Look About Face" donnent à ces chansons des allures de cris de révolte contre le système en place. Le tout donne alors au Grind du groupe une force rare qui inspire le respect.
A côté, l'auditeur aura donc sa ribambelle de titres féroces, car après un "Circumspect" d'entrée assez posé, plus Death que Grind, le groupe envoie du bois et fait mal. "Errors In The Signals", "Protection Racket", Think Tank Trials", ou encore "Opposites Repellent" sont par exemple d'intenses moments de Grind qui ne font pas de quartier et qui pourront épater de la part de quadragénaires décidément très frais.
Avec "Utilitarian", Napalm Death prouve encore une fois qu'il faut compter sur lui en matière de Death ultra-brutal mais aussi en indicateur de la conscience humaine en ces temps de crise difficile à vivre. Il confirme ainsi qu'il est un groupe précieux car, même si sa musique ne révolutionnera sans doute pas le genre, il apporte une petite pierre à l'édifice démocratique et citoyen.