Malgré un Scars Of The Midwest déjà prometteur, nombreux furent ceux à découvrir Blueneck avec son successeur, The Fallen Host qui demeure pour votre serviteur une des oeuvres majeures de ces dernières années. Les Britanniques y esquissaient un univers d'une beauté bouleversante dans sa tristesse, sorte de post-rock intimiste aux envolées déchirantes. Deux ans plus tard, Repetitions pose une nouvelle pierre à cet édifice précieux.
Ceux qui attendaient une simple copie de The Fallen Host en seront pour leur frais. Non pas que Blueneck ait vraiment innové ni cherché à le faire entre les deux albums mais c'est avec beaucoup de subtilité qu'il a sobrement fait évoluer un art façonné aux couleurs pastel. Moins stratosphérique et instrumental que son récent aîné, Repetitions renoue d'une certaine manière avec l'épure de l'offrande séminale qu'il trempe dans une encre encore plus sombre.
Entièrement dominée par le chant suintant le désespoir inexorable de Duncan Attwood, lequel se rapproche parfois même de Fish à l'époque de Marillion pour le sentiment tragique de ses lignes vocales ("Sawbones"), l'oeuvre est douloureuse et réclame nombre d'écoutes avant d'espérer en débusquer tous les trésors qui ne se dévoilent que peu à peu, tapis derrière une trompeuse limpidité qu'il ne faut pas confondre avec simplicité du trait. Chant et piano hanté ("Una Salus Victus") ne masquent pas l'immense travail d'ambiance(s) et d'arrangement (notes de violon sur "Ellipsis", slide guitare) des Anglais de Bristol auxquels leur suffisent les premières mesures du squelettique "Pneumothorax" pour ferrer l'auditeur dans son automnale mélancolie.
Mortuaire, la trame ne s'emballe qu'à doses homéopathiques, préférant égrener un désespoir organique par petites touches intimistes. Plus que jamais et malgré la tonalité fortement introspective de ces compositions fignolées telles des bijoux d'orfèvrerie, Blueneck reste ce chantre d'un rock émotionnel à fleur de peau, ce peintre d'un spleen, d'une force sourde qui possède la capacité rare à vous hanter encore très longtemps après que le disque se soit arrêté, comme si celui-ci avait de profonds résidus sur la surface de la platine qui l'a accueilli.
Et s'il n'est sans doute pas aussi réussi que The Fallen Host, Repetitions affirme encore davantage la personnalité de ses auteurs qui tiennent une place résolument à part au sein d'une scène Post-rock dont ils tendent à s'éloigner un peu plus à chacun de leurs albums pour accoster une terre où la dimension atmosphérique propre au genre s'exprime avec une touche plus intime. On tient vraiment là un des groupes les plus captivants apparus en Angleterre depuis dix ans.