Deuxième album d'un groupe italien dont le nom cache bien les origines, "Eteronimie" s'inscrit trait pour trait dans la voie tracée par son prédécesseur. A tel point que l'envie est grande de vous renvoyer à la lecture de la chronique de "Glispiriti Icorpi Elementi" tant celle-ci reflète tout ce que l'on peut penser de ce nouvel opus.
Vieux Carré nous ressert donc une musique fortement ancrée dans les années soixante-dix basée sur un rock progressif alambiqué fréquemment émaillé de touches jazzy. Les titres, bien que courts, sont loin d'être linéaires et les variations de tempo et de nuances sont fréquentes, apportant une diversité que tout amateur de bon prog ne pourra qu'apprécier. La qualité instrumentale est au rendez-vous, les claviers, et notamment le piano, se taillant la part du lion, rappelant le style flamboyant d'un Keith Emerson. Outre un court intermède solo romantique ('Evans'), le piano introduit magistralement 'Tenno', 'Inquietudine' et 'Un Altro Sogno Di Coleridge' et participe à de nombreuses fioritures sur les autres titres. La guitare ne fait cependant pas figure de parent pauvre et intervient fréquemment en de nombreuses arabesques et de courts solos techniques tout au long de l'album, volant même la vedette aux claviers sur 'Terra Nova' et 'Ramo di Lillà'. La rythmique n'est pas en reste et offre avec conviction un soutien solide aux autres instruments.
Reste la complexité des constructions qui peuvent dérouter par des changements de rythmes soudains, des mélodies peu évidentes et le chant porté par une voix théâtrale mais manquant de chaleur (un comble pour un italien). Seuls 'Tenno' et 'Un Altro Sogno Di Coleridge' se prêtent au format conventionnel couplet/refrain. A l'opposé, 'Praz!' avec son intro façon 'Vol Du Bourdon', 'Il Cardine Storto' ou encore 'El Gabal', dont les tonalités discordantes fleurent bon King Crimson, entrainent l'auditeur dans des variations musicales de qualité, débridées, souvent interprétées avec maestria, réservant des breaks improvisés le temps de quelques mesures conférant cette légère teinte jazz.
Du fait de cette complexité assumée, l'empathie avec les titres n'intervient qu'au prix de nombreuses écoutes. Les premières désorientent mais la virtuosité et le foisonnement d'idées donnent envie de s'accrocher et d'y revenir, on sent immédiatement le potentiel d'une telle musique. A déconseiller néanmoins aux amateurs de musique aux thèmes fédérateurs, le plaisir se trouvant plus du côté de l'intellect que de l'émotion.