Bien qu’il sorte deux ans après l’album de son leader Alizbar, grâce au label Prikosnovénie dont on ne saluera jamais assez le remarquable travail, Welcome Into The Morning est en fait bien antérieur à Metamorphoses Of Ann’, puisqu’il a été gravé il y plus de dix ans déjà. Un nouvel artwork et deux titres supplémentaires d’origine live, ornent la découverte d’une œuvre qui n’avait jusqu’à présent jamais franchi les frontières de l’Europe Orientale. L’addition du nom du musicien, désormais assez réputé, à celui d’Ann’ Sannat illustre d’ailleurs bien la seconde vie de Welcome Into The Morning. Collectif mené par Alizbar, multi-instrumentiste de grand talent, aussi à l’aise à la harpe, au violoncelle, à la mandoline ou à la flûte, Ann’ Sannat livre une seconde offrande merveilleuse de bout en bout.
Essentiellement instrumentale (seule une poignée de morceaux sont voilés par des lignes vocales), cette collection d’une quinzaine de chansons, virevolte, danse sur les terres de la musique celtique que l’origine géographique du projet colore d’une froideur boisée très particulière. Bref, la troupe ne se contente pas de copier ce que font les groupes nourris au folklore celte, elle prend soin de l’enrichir d’ingrédients traditionnels plongeant leurs racines dans la partie médiane de l’Europe et de la Russie.
C’est un enchantement de tous les instants, dont seule la (trop) longue durée (plus de 70 minutes au compteur) l'empêche sans doute de se hisser au rang de chef-d’œuvre que ce disque aurait sinon mérité. Alizbar et ses ménestrels nous convient à un banquet païen où sont mis en valeur une flûte aux accents champêtres ("The Butterfly") ou plus dramatiques (le long "The Mountain Set", presque mythologique dans sa façon de dépeindre des paysages légendaires), un violon squelettique qui résonne comme une invite à se joindre à une danse ancestrale ("Sleepy Maggie", tout en crescendo, "The Old Story"), sans oublier mandolines et guitares forestières. Tous ces instruments se mélangent, le plus souvent fusionnant en un tourbillon païen qui semble provenir du fond des âges ("Toss The Feather").
Si les rares titres chantés par une jeune femme (ce qu'elle fait très bien cependant) ne sont pas les plus réussis. Tous les autres en revanche constituent de petits joyaux, à l’image de "The Reel" notamment, dont la seconde partie recèle une beauté chatoyante et froide à la fois.
Ann’ Sannat dessine une musique folklorique, certes parfois assez enlevée, mais qu’il teinte d’une mélancolie terreuse qui sourde tout du long de ces ritournelles d’où jaillissent des effluves désenchantées et belles ("The Old Story"). Une découverte envoûtante, succession de tableaux générateurs d’émotions que les amoureux de Blackmore’s Night et autres groupes anachroniques devraient sans peine adorer. Alizbar & Ann’ Sannat tendent un pont entre monde gaélique et ballades slaves. C'est une féérie sombre.