Quoiqu'il fasse, on a la désagréable impression que Varg Vikernes ne suscite rien d'autres que déception (au mieux) ou mépris (au pire) chez ceux qui l'attendaient dès sa sortie de prison, alors qu'ils n'ont souvent même pas vécu la seconde vague du Black-Metal norvégien, baignant alors encore dans leurs couches culottes. On en viendrait presque à leur emboîter le pas et à croire que finalement, le bonhomme a perdu tout son talent lors de son (long) passage derrière les barreaux.
Belus et Fallen ont été dans l'ensemble mal accueillis car incompris (gageons d'ailleurs qu'ils seront certainement réévalués à leur juste mesure dans les prochaines années). Et ce n'est pas From The Depths Of Darkness, entreprise de dépoussiérage douteuse, qui devrait inverser la tendance, quand bien même les mauvaises langues ne manqueront pas d'affirmer que ces relectures de vieux classiques, extraits de Burzum et Det Som Engang Var, sont ce que Vikernes a fait de mieux depuis longtemps, manière de rappeler que Burzum, c'était (forcément) mieux avant.
De fait, on peut s'interroger sur l'intérêt de ce genre d'album. Le Norvégien s'est pourtant expliqué à ce sujet, prétextant qu'il n'a jamais été satisfait des enregistrements ni des prises de son originelles, croûte primitive qui fut pourtant pour beaucoup dans l'aura sinistre qui enveloppait ses premiers pas. Motivation d'autant plus curieuse que Varg clamait à l'époque vouloir rompre avec le son propre et lisse pour revenir à un dépouillement sonore basé sur un enrobage pollué et grésillant. Mais c'était il y a vingt ans maintenant. L'homme a changé, a évolué. From The Depths Of Darkness trahit son regard vers ce passé révolu qu'il cherche à corriger tout en lui rendant un hommage qui ne se justifiait peut-être pas.
Heureusement toujours inspiré, Vikernes n'a en aucun cas dénaturé son répertoire. Plus clair, le son reste toutefois assez âpre, une fois encore confié à l'indéboulonnable Pytten, producteur historique de toutes les hordes noires norvégiennes. Les différences paraissent minimes, hormis au niveau du chant du maître des lieux, moins lugubres et ténébreux, désormais plus rugueux. Et puis, de toute façon, de bons morceaux restent de bons morceaux. "The Spell Of Destruction", "Key To The Gate" (ah, ce solo qui donne toujours des frissons deux décennies plus tard), "Ea, Lord Of The Depths" et "My Journey To The Stars" pour les plus accrocheurs et obsédants, "A Lost Forgotten Sad Spirit" et "Turn Of The Sign Of The Microcosm" pour les plus bouillonnants de noirceur, ont traversé les épreuves du temps. On comprend pourquoi ce sont les préférés de Varg tirés de ses deux premiers albums.
Au-delà du fait que cette compilation aura tout de même permis à certains de se réconcilier (un temps ?) avec Burzum, le musicien se moque sans doute de ces querelles stériles. Après tant d'années, privé de liberté, il paraît maintenant vouloir savourer celle-ci, inondant, selon l'habitude qu'il possédait déjà à ses débuts, les oreilles de ses ouailles d'une nouvelle offrande tous les ans. Imparfait peut-être, insaisissable certainement, Varg continue de travailler son art. From The Depths Of Darkness, gravé en réalité peu après sa sortie de prison, annonce-t-il pourtant un vrai retour aux sources ou bien son successeur, Umskiptar, poursuivra-t-il la voie contrastée entamée depuis 2010 ? Réponse dans quelques mois... dont on devine déjà de quelle teneur elle sera, Belus et Fallen étant porteur d'une évolution, d'une maturation durable à laquelle on voit mal le Norvégien renoncer.