Pour son premier album solo, Ian Gordon, qui officie par ailleurs au sein du groupe Drama, n'a pas fait les choses à moitié : "The Box" est un concept album qui s'étale sur plus de deux heures de musique sur deux CD, Ian Gordon assurant à lui seul les fonctions de compositeur, parolier, interprète et unique multi-instrumentiste, ne concédant que de fugaces apparitions le temps de quelques mesures à trois invités dont deux portent curieusement le même nom que lui (une histoire de famille ?), le troisième n'étant autre que le guitariste de Drama.
Le concept est prétexte à explorer la face sombre de la nature humaine, pour essayer de mettre à jour les vérités que chacun (se) cache. Un tel sujet, on s'en doute, a peu de chance de donner lieu à une musique festive et, de fait, les compositions sont généralement sombres et parfois inquiétantes. L'album s'apparente à du néo-prog de très bonne tenue, rappelant notamment IQ et Sylvan, mais s'autorise des détours par un progressif old school façon Camel ou Genesis, empruntant notamment à ce dernier les progressions martiales d'Apocalypse in 9/8' ("Foxtrot") à plusieurs reprises et développe même quelques thèmes inquiétants : une dérangeante musique de cirque sur 'Eastern Lights', des cloches mélangées à des toux et des râles sur 'Framed' ou encore le prog sombre et cataclysmique de 'Aftermath', au chant habité si proche d'un certain Van der Graaf Generator.
Si avec toutes ces références appuyées les compositions ne peuvent prétendre à l'originalité, elles sont néanmoins fort agréables et variées et se succèdent dans une belle alternance entre passages chantés et instrumentaux. Les claviers, piano, synthés, orgues et même grandes orgues, sont dominants, Ian Gordon faisant preuve d'une belle virtuosité. Les guitares se réservent surtout pour des riffs sombres et lourds destinés à rendre l'ambiance pesante, mais ne s'interdisent pas quelques envolées techniques. Enfin, Ian Gordon chante admirablement bien d'un timbre nasillard à la David Bowie, notamment lorsqu'il pousse dans les aigus.
L'album n'est cependant pas exempt de défauts : si les qualités mélodiques sont évidentes, Ian Gordon abuse de la multiplicité des thèmes. L'auditeur finit par attraper le tournis devant les changements incessants et reste parfois frustré de l'absence de développements de certains passages fédérateurs. Par ailleurs, de l'excès nait l'ennui. Difficile de conserver une qualité constante sur une durée de deux heures. Ainsi, une bonne partie du second CD semble superflue et aurait mérité d'être élaguée.
Néanmoins ce (léger) reproche n'ôte rien au fait que "The Box" soit un disque extrêmement riche, symphonique, contenant de nombreuses mélodies accrocheuses qui auront de quoi sustenter tout amateur de rock progressif. Un album qui aurait probablement gagné à être plus court, mais Ian Gordon est incontestablement un artiste à suivre.