Avec "Melapesante" en 2010, le phœnix renaissait de ses cendres, le groupe italien Syndone sortant de dix-huit années d'hibernation pour livrer un opus qui avait enthousiasmé Music Waves. Deux ans plus tard, le combo transalpin nous revient en formation resserrée autour du claviériste Nic Comoglio, du chanteur Riccardo Ruggeri et du percussionniste Francesco Pinetti, mais accompagnés de nombreux invités pour les parties de guitare, basse, cuivres, flûte, alto et autres violoncelles.
"La Bella E La Bestia" est un opéra rock inspiré du conte "La belle et la bête" dont l'une des plus anciennes versions remonte au 2éme siècle, mais réellement popularisé par Jeanne-Marie Leprince de Beaumont en 1757 et plus près de nous par le dessin animé de Walt Disney. Riccardo Ruggeri s'est fortement investi dans ce projet, écrivant le livret et jouant tous les personnages (la Bête, la Belle, son père, ses sœurs, la Rose et le narrateur). Cela donne lieu à une extraordinaire interprétation, sa voix passant de tonalités rauques et sombres à un falsetto digne des castrats du 18ème siècle. Capable de rugir comme de réduire son chant à un doux murmure, Ruggeri parcourt une large palette d'émotions, de la rage au désespoir, de la tendresse à l'ironie, avec une sensibilité et une empathie remarquables, à la limite de la schizophrénie lorsqu'il incarne tour à tour un homme et une femme sur 'Orribile Mia Forma'.
Bien que le chant soit un élément prédominant, Syndone gère avec une grande maitrise le juste équilibre avec les autres musiciens, soit que ceux-ci disposent de nombreuses plages purement instrumentales, soit qu'ils enrichissent ou répondent à la voix de Ruggeri. La diversité est de rigueur entre mélodies jazzy à la Hatfield & The North ('Introitus', 'Il Fiele E Il Limite') et prog sombre à la Van der Graaf Generator ('Mercanti Di Gioia', 'Bestia!'), en passant par l'opéra ('Complice Carnefice', 'Orribile Mia Forma') et la musique classique à la Bartok ('Piano Prog Impromptu'). Variations parfaitement maitrisées, interprétées avec maestria, faisant la part belle au piano de Nic Comoglio et aux percussions de Francesco Pinetti mais rehaussées des interventions de la section de cuivres, des cordes et de la flûte.
Alors certes, "La Bella E La Bestia" est un disque de "caractère" qui sort des chemins battus et qui peut surprendre par sa grande fantaisie. Mais derrière son originalité se cache une œuvre d'une grande sensibilité et d'une grande maturité. "Melapesante" avait mis la barre très haute. "La Bella E La Bestia" accomplit l'exploit d'atteindre le même niveau de qualité sans pour autant plagier son illustre prédécesseur.