Radio Drive est en fait le one-man band de Kevin Gullickson, multi-instrumentiste originaire du Minnesota qui a pris la bonne habitude d'offrir un album tous les ans à ses fans depuis 2009. "This Is Our Time" est donc le quatrième opus de l'Américain qui semble s'être construit une certaine réputation outre-Atlantique, au point d'avoir retenu l'attention de Gene Paul, fils du célèbre Les Paul, qui s'occupe de la production de ce nouvel opus. Voilà qui, ajouté à plusieurs chroniques dithyrambiques glanées sur la toile, augure d'une œuvre d'un niveau pour le moins intéressant.
Pourtant, sans pouvoir préciser si cela vient d'une incompréhension culturelle, ou d'un monopole des fans de l'ami Kevin dans le domaine des commentaires Internet, il y a fort à parier pour que le grand jour de la reconnaissance artistique ne soit pas encore arrivé pour Radio Drive sur notre vieux continent. Le fait que l'artiste gère l'ensemble des instruments inspire le respect, et les paroles très positives visant à accepter la vie telle qu'elle se présente et à en profiter en conséquence, rendent Gullickson très sympathique, ce qui plaide en sa faveur mais n'est pas suffisant pour sauver "This Is Our Time" qui cumule une production datée et sans profondeur, une interprétation qui ne desserre que rarement le frein à main, et des compositions qui tournent en rond pour la plupart, laissant la sensation d'assister aux tentatives désespérées d'un pélican ne réussissant pas à prendre son envol.
Si des artistes tels que Nick Barrett (Pendragon) ou Geddy Lee (Rush) ont prouvé qu'il était possible de transmettre des émotions avec une voix aux capacités limitées, ils ont pu s'appuyer sur des compositions à la solidité sans faille, ce qui n'est pas le cas de Kevin Gullickson, au point que chaque hésitation ou dérapage ('Rising') frôle le ridicule, quand elle ne sombre pas dedans. Pas d’envolées instrumentales à espérer non plus, en dehors d’un solo de guitare sur 'Hardwired' qui vient clôturer l’ensemble sur un rythme plus dynamique laissant penser à quelques titres Rock de BJH interprétés par John Lees. Qu’ils flirtent avec une approche plus roots 70’s ('Borders'), une légèreté Westcoast dotée de quelques légers breaks ('Never') ou la douceur d’une ballade ('I Believe In You'), l’immense majorité des titres tournent en rond après le premier refrain, même si quelques notes de claviers typés 80’s avaient pu donner un peu d’espoir en introduction ('This Is Our Time'). Et encore, certains se vautrent lamentablement lorsqu’ils se retrouvent alourdis par un refrain lénifiant par ici ('Life Is For Living') ou par une insupportable batterie électronique par-là ('Light').
Au milieu de ce naufrage, seul l’aérien 'Two Simple Words' maintient la tête hors de l’eau, n’étant pas sans rappeler Llyod Cole. Toute la sympathie inspirée par l’artiste ne suffira donc pas à sauver cet album qui est la preuve évidente des limites d’un projet assumé en solo lorsque le talent n’est pas au-dessus de la moyenne.