The Sleeppers est un groupe formé par 5 Charentais à Jonzac en 1989 et qui, au fil de ses 23 années de carrière, s’est fait un nom dans le milieu Rock Underground et Indépendant. Les Bordelais nous livrent cette année leur sixième album, six ans après le précédent, "Signals From Elements". Les fans retrouveront dès la pochette la passion commune des membres du groupe pour le cinéma avec cette caméra traversée par un genre de spectre en accord avec l’intitulé, "Keep Focus", faisant certainement référence à l’objectif de l’objet.
Dès le premier titre (éponyme), la couleur est annoncée avec un gros riff de guitare bien sale qui va monter en puissance sur un tempo assez rapide, accompagné d’un chant très rugueux et assez punk. Si The Sleeppers nous avait habitué à ce genre de composition, leur style riche en influences (notamment Queens Of The Stone Age et Pain Of Salvation) a fortement évolué depuis le dernier opus. Les balbutiements électroniques qu’ils s’étaient autorisés sont concrétisés dans des titres comme ‘The Box’ ou encore ‘Divide’ (enregistrée en compagnie d’Ez3kiel, grand nom de l’électronique). Ce dernier est d’ailleurs très mélodique et assez intense, du en grande partie au son plutôt énorme des Bordelais. Alors bravo à Fred Norguet qui a remarquablement mixé l’album : tous les instruments trouvent leurs places et le rendu en devient agréablement compact et rugueux.
Toutes les expérimentations que se permettent les musiciens s’intègrent parfaitement à la musique et la servent d’une manière remarquable, que ce soit l’électronique mentionnée plus haut, les voix déclamées à travers des filtres (‘Blackout’, ‘Hidden Beauties’ ou ‘Post Traumatic’, qui comporte également des collages d’archives en français) ou les digressions plus pop (‘Skin’). Ils se renouvellent ainsi tout au long de l’album et accouchent même d’un titre quasi progressif, ‘Hidden Beauties’ avec sa longue intro de piano puis son départ instrumental qui prend réellement aux tripes, proche du mouvement Post-Rock. Mais les riffs et la noirceur qui constituent l’identité musicale du groupe sont toujours présents : écoutez ‘Keep Focus’, ‘Now You Are’ ou ’23 (Enigma)’ (cette voix est d’ailleurs un véritable pastiche de Daniel Gildenlow, chanteur de Pain Of Salvation !) pour vous en convaincre, avec leurs chants saturés et leurs rythmes lourds absolument dévastateurs.
C’est donc à une musique bien plus subtile que donne naissance le groupe à travers ses explorations musicales diverses et variés, faisant sonner "Keep Focus" comme une sorte de fourre-tout extrêmement bien fait et cohérent dans lequel aucun morceau n’est hors-sujet. Une excellente pioche pour 2012.