A l’heure où Lynyrd Skynyrd a été décimé lors d’un tragique accident d’avion et alors que le Allman Brothers Band est en pleine restructuration, le Southern-Rock se cherche de nouveaux leaders. Aux côtés de leurs compatriotes de Blackfoot, les Floridiens de Molly Hatchet ont déjà marqué leur territoire avec un premier album éponyme du meilleur tonneau de whisky frelaté. Autant dire que ce "Flirtin’ With Disaster" qui déboule sur nous tel le féroce guerrier qui orne sa pochette, nouvelle œuvre de Franck Fazetta intitulée Dark Kingdom, est attendu avec une impatience dont le sextet va se montrer à la hauteur.
En effet, si le gang de Jacksonville n’a pas modifié sa recette, il en affirme ici l’authenticité et la paternité avec force et réussite. Propulsé par une section rythmique alliant dynamique et efficacité, le gang de Dave Hlubek nous enserre entre l’inimitable voix grave de Danny Joe Brown et une triplette de guitaristes qui nous tricotent des mélodies accrocheuses et des soli en cavalcades irrésistibles. Les hymnes se succèdent à l’occasion d’un début d’album en acier chromé, sans pour autant que la suite soit moins brillante. Les rebelles confédérés montrent leurs muscles d’entrée avec un "Whiskey Man" qui vous chauffe la tuyauterie à la manière du nectar dont il vante les mérites avec modération, alors que la reprise du tube de Bobby Womack, rendu célèbre par la version qu’en ont fait les Rolling Stones, "It’s All Over Now", prouve que le port des santiags n’empêche pas d’avoir du Swing.
Molly Hatchet nous entraine à nouveau au travers des territoires sudistes dans une course effrénée nous menant de vieux saloons dans lesquelles de jeunes filles sexy se trémoussent en s’effeuillant sur scène ("One Man’s Pleasure" à la fois country et funky), à des granges dans lesquelles les Stetsons sont jetés en l’air au son de Boogie festifs ("Let The Good Times Roll"), en passant par des villes ensoleillées et dansantes (le catchy "Junkin’ City") et des paysages montagneux au soleil couchant ("Long Time"). Mais ces chevauchées n’auraient pas la même valeur sans les accélérations des trois mercenaires six-cordistes, dégainant leurs rafales en tirs croisés à l’occasion de jams irrésistibles sur les 2 tiers de certains titres ("Boogie No More"), ou cadrant leurs déferlements au sein d’hymnes imparables ("Flirtin’ With Disaster"), au point de faire de ces deux titres des monuments à l’ombre desquels le musclé "Good Rockin’" et l’entrainant boogie "Gunsmoke" et son piano bastringue, ont du mal à exister malgré leur grande qualité.
En à peine plus de 38 minutes, Molly Hatchet tient déjà son œuvre incontournable, pierre angulaire de sa discographie et d’un style musical à l’authenticité attachante et à l’enthousiasme communicatif. Entrainant, musclé et dynamique, voici un album sans lequel votre discothèque flirtera avec le désastre.