Après un "Wishbone Four" honorable mais marquant une légère baisse de régime dans sa carrière, Wishbone Ash part aux Etats-Unis et s'offre les services du producteur Bill Szymczyk (qui s'occupe notamment d'Eagles) afin de bénéficier de l'apport d'un véritable professionnel, chose dont il s'était jusqu'alors passé. Autre changement significatif, pour la première fois le line-up évolue, Ted Turner cédant sa place à Laurie Wisefield, jeune surdoué de la guitare officiant au sein de Home.
"There's The Rub" n'est pas une révolution en soi et on y retrouve tout ce qui fait l'attrait de Wishbone Ash : une énergie communicative, des harmonies vocales millimétrées et une virtuosité des musiciens qui, loin de sombrer dans le démonstratif, se mettent pleinement au service de mélodies bien troussées. Tous ceux qui ont succombé au charme des opus précédents ne pourront que s'enthousiasmer devant ce nouvel album qui en profite pour corriger les légers défauts de son prédécesseur.
Première bonne nouvelle, les duels de guitare font de nouveau partie du programme. Andy Powell et Laurie Wisefield rivalisent de virtuosité dans des joutes fraternelles et homériques. Finie la simplicité un peu trop directe de "Wishbone Four", les deux musiciens nous brodent des motifs en dentelle, superposant ou alternant le son de leurs instruments, le nouveau venu endossant avec une aisance étonnante le costume laissé vacant par Ted Turner. Les harmonies vocales font elles-aussi leur retour en force, nous rappelant les meilleures heures d'"Argus". Certes, le procédé n'est pas original (pour le groupe) mais c'est tellement bon qu'on en redemande. Enfin, comment passer sous silence l'excellent travail rythmique ? Steve Upton sait faire résonner ses fûts à propos, affirmant sa présence sans noyer l'auditeur sous un déluge sonore inopportun. Quant à Martin Turner, sa basse illumine de sa présence chaque titre, allant jusqu'à voler la vedette aux guitares qui sont pourtant à leur affaire.
Côté compositions, une entrée en matière ciselée affichant le programme de ce qui va suivre ('Silver Shoes'), deux hard-rock de structure classique mais efficace ('Don't Come Back', 'Hometown'), deux ballades dont Wishbone Ash a le secret ('Persephone', 'Lady Jay'), et un long instrumental ('F.U.B.B.', Fucked Up Beyond Belief) très largement improvisé et prouvant, si cela était encore utile, les qualités techniques des quatre compères. Après une première partie principalement constituée d'une grosse ligne de basse inquiétante, les guitares tissent une mélodie construite avant que tous les instruments ne soient pris d'une espèce de frénésie, se la jouant western, la rythmique imitant la cadence saccadée des bielles des roues d'une vieille locomotive à vapeur.
Avec "There's The Rub", Wishbone Ash a renoué avec l'inspiration qui avait présidé à la parution d'"Argus" et dont il s'était volontairement, mais peut-être imprudemment, écarté sur "Wishbone Four". Un incontournable pour tout amateur de ce groupe.