Quand bien même on le flairait déjà depuis quelques années, le groupe espaçant de plus en plus ses albums (The VIIth Coming en 2002, The Garden Of Unearthly Delights en 2005 puis The Guessing Game encore cinq ans plus tard), le fait est que l'annonce de la mort programmée de Cathedral fait mal. En y ajoutant celle de Candlemass, dont le Psalm For The Dead sera le testament (les Suédois continueraient pourtant à donner des concerts...), ce sont deux des plus emblématiques prêtres de la déesse Doom qui vont prendre dans les mois qui viennent leur retraite. En attendant The Last Spire, ultime opus des Anglais, prévu pour la fin de l'année, il convient de savourer les derniers feux de cette figure tutélaire du Doom-Death tout d'abord puis du Doom sabbathien ensuite, en même temps que les travaux du fidèle Dave Patchett qui est au combo de Coventry ce que Derek Riggs fut à Iron Maiden.
Avant le EP A New Ice Age qui vient juste de sortir, Cathedral a mis en boîte un live aux allures d'adieu. Capturé à Londres le 3 décembre 2010 lors de la tournée supportant The Guessing Game, Anniversary est aussi une manière de boucler la boucle en cela qu'il couronne les vingt ans de carrière d'un projet monté par Lee Dorrian après avoir quitté Napalm Death, et dont le but était de faire l'exact contraire de son ancien port d'attache en sculptant la musique la plus lourde, lancinante et pétrifiée possible.
Cet anniversaire explique pourquoi Forest Of Equilibrium, (quasi) acte de naissance du groupe, est joué ce soir-là dans son intégralité, pour le plus grand plaisir des fidèles dont beaucoup la considère comme la pierre angulaire de la carrière des Britanniques, événement que rend encore plus exceptionnel la présence de tous les musiciens l'ayant enregistré. Voir Adam Lehan, Mark Griffiths et Mike Smail, qui ne font plus partie du line-up depuis longtemps, accompagner Dorrian et Jennings comme à l'époque, est un présent qui n'a pas de prix. Sous-titré "Back To The Forest", le premier disque de ce live, lui est donc consacré. Dès "Comiserating The Celebration (Of Life)", une chape de plomb s'abat sur nous. Les murs tremblent, la nuit s'installe, point de départ de près d'une heure de ce qui reste l'ancêtre du Funeral-Doom, en dépit de ce "Soul Sacrifice" presque incongru au milieu d'une mortification qui culmine lors d'un "Reaching Happiness, Touching Pain" dont on ne s'est pas toujours pas remis deux décennies plus tard. Frissons funéraires garantis. Hormis peut-être avec Endtyme, Cathedral n'ira plus jamais aussi loin dans la lenteur suicidaire, les successeurs de Forest Of Equilibrium rompant avec des abîmes mortifères de toute façon impossibles à creuser davantage.
"Freak Winter", le second disque, illustre cette rupture négociée à partir de The Ethereal Mirror, le plus gros succès commercial de ses auteurs et que ce live visite avec trois titres, "Enter The Worms", encore imprégné de l'œuvre précédente et les hymnes "Midnight Mountain" et "Ride". Plus qu'un tour du propriétaire exhaustif, Anniversary, outre les deux derniers albums, se concentre en fait sur la période 1991 - 1996, oubliant sur le bord de la route, et c'est dommage, tout le reste, soit les quatre inégales offrandes séparant le Ep Hopkins de The Unearthly Delights. Sans surprise, l'ère The Carnival Bizarre, la préférée de Lee Dorrian, s'avère être la plus représentée. Les musiciens étant ce soir-là, particulièrement en forme, ce sont de superbes versions qui nous sont offertes. Il suffit d'écouter ce "Carnival Bizarre" monumental car enrichi de nappes d'orgue seventies, cependant que le (seul) fils spirituel de Tony Iommi, Gaz Jennings, fait honneur à son mentor lors d'un final flamboyant, pour s'en rendre compte.
Un concert d'anthologie pour un live historique auquel on pourra toujours reprocher de faire l'impasse sur un bon paquet de mémorables pépites (mais c'est un concert encore plus long qui aurait alors dû être donné !). Il marque en outre la dernière collaboration de Cathedral avec le bassiste Leo Smee, qui était là depuis 1994 ! Une page se tourne, laissant la place à l'épilogue.