Derrière le nom Puzzle King se cache François Puzenat, artiste français tombé tout petit dans la marmite du rock progressif. Il nous présente ici un premier album ambitieux, nous contant l'histoire d'Anna et d'Anatoli, amis d'enfance dont l'histoire d'amour tente de survivre à leur époque, en l'occurrence la 1ère guerre mondiale et surtout la Révolution Russe de 1917, la chute du tsarisme et l'arrivée au pouvoir de Lénine.
Plus qu'un concept album, Anna est non seulement une véritable plongée dans l'Histoire avec un grand H, mais aussi un véritable livre imagé par la musique, pour lequel François Puzenat a écrit un scénario très complet. Mais, là où certains se contentent de distiller dans les paroles de leurs différentes chansons un récit partiel sous forme d'allégories portées par la musique, en complétant par un livret voire même un véritable livre (les projets de Seven Reizh notamment), Puzzle King y transpose carrément tout le synopsis, dialogues compris. Avantage de la formule, l'auditeur comprend dès la première écoute toute l'histoire qui s'avère de surcroit passionnante compte-tenu du contexte. En revanche, ce parti-pris a pour effet de compliquer les mélodies, avec un phrasé souvent complexe, et une littérature quelque peu brute de fonderie.
François Puzenat nous propose une musique bien entendu en totale adéquation avec son scenario, les ambiances collant comme il faut à son propos. Revendiquant plus que tout son étiquette progressive et bien décidé à s'affranchir de toute convention, notre artiste embarque l'auditeur consentant dans une farandole de styles, passant sans chichi d'un néo-prog majestueux à du progressif plus complexe, certes hérité des 70's mais remis au goût du jour et modernisé, à l'image d'un Citizen Cain ou encore de Nemo. Quelques incursions gentiment métalliques côtoient également des sonorités de guitare oldfieldienne, et puis un détour par le jazz-prog rappelle tout l'éclectisme voulu et assumé pour cette grande fresque. Et lorsque le sujet devient totalement instrumental, François Puzenat nous dévoile tout son talent de compositeur, abandonnant pour un instant la trame de son histoire pour "lâcher" les chevaux progressifs !
Mais ce qui au départ s'avère comme une véritable richesse finit par pénaliser le propos musical : à trop promener l'auditeur d'un bord à l'autre, à trop varier les thèmes et les rythmiques pour suivre le fil de son histoire, Puzzle King finit par dérouter, et seules de nombreuses écoutes d'Anna permettront de se remémorer quelques thèmes ou mélodies, de comprendre des enchaînements pas toujours évidents !
Et pour finir par le sujet qui fâche, et malgré un passage entre les mains et les oreilles expertes de Guillaume Ninon, celui qui travaille notamment avec Nemo, le mix ne parvient pas rattraper des parties vocales plutôt limites par moment, et surtout mises quelquefois trop en avant, au détriment de l'accompagnement instrumental trop en retrait (NB : vous noterez l'emploi ici d'adjectifs réducteurs, ces remarques ne s'appliquant qu'à certaines parties de l'album).
Projet ambitieux quelque peu démesuré, Anna s'avère d'une approche plutôt complexe au premier abord, mais dévoilera toute sa richesse au fil d'écoutes répétées. Malgré une longueur certaine et les quelques défauts précédemment cités, cet album reste à découvrir, tant pour ses qualités intrinsèques que pour la personnalité de son géniteur !
NB : Assumant son originalité, François Puzenat a dévoilé ce projet en singeant "La Chanson du Dimanche", proposant les différentes parties à l'écoute dans "Le Prog du Dimanche" lors de quatre week-ends consécutifs. Une formule aussi inédite qu'enthousiasmante ! Le site du projet fourmille également de détails passionnants que je vous incite à découvrir. Ou comment faire les choses sérieusement sans se prendre au sérieux. Et quitte à ne pas faire les choses comme tout le monde, cet album est disponible non seulement en deux versions, française et anglaise, et à un prix choisi par l'acheteur !