Bien que Quorton soit mort en 2004, et malgré une fin de carrière qu’aucun album majeur n’a émaillé, hormis peut-être Nordland I (2002), son navire continue pourtant d’être emprunté par d’autres et de fendre les fjords séculaires du Grand Nord. Mieux, on ne compte plus les groupes qui revendiquent son héritage aussi bien musical que spirituel. Cette aura, flatteuse et certainement un peu surfaite, Bathory la doit beaucoup à son diptyque viking, Hammerheart et Twilight Of The Gods qui, on en prend que réellement la pleine mesure aujourd’hui, a tant influencé la scène metal alors que bien peu saluèrent ces opus lors de leurs sorties respectives en 1989 et 1991. Si certains ne leur rendent hommage qu’au détour d’un titre ou deux (comme Abbath avec le Between Two Worlds de I par exemple), d’autres vont jusqu’à bâtir une carrière sur cet amour pour l’œuvre du Patriarche défunt. Comme Ereb Altor.
Actif depuis 1990, ce qui n’est en réalité qu’un duo était resté jusqu’alors puceau de toute coulée, à part une démo, The Awakening en 2003, qui servit de préparatif à la première véritable sortie de son drakkar. By Honour possède deux qualités et un défaut. Commençons par les qualités. La première réside dans sa capacité à faire revivre les vibrations épiques qui avaient balayé les deux œuvres majeures de Bathory. On s’y croirait, depuis la voix de Ragnar (clin d’œil au référentiel film de Richard Fleischer, "Les Vikings" justement ?) qui retrouve les intonations hésitantes de Quorton, en mieux toutefois, celui-ci n’ayant jamais été un grand chanteur, jusqu’à cette faculté à sculpter des paysages grandioses et enivrants traversés par le souffle nordique.
Jamais peut-être un groupe n’a été aussi proche de Twilight Of The Gods, aussi bien dans l’esprit que dans la lettre. Mais c’est aussi, forcément, le plus gros défaut d’Ereb Altor : la ressemblance finit presque par être gênante tant celle-ci se révèle réussie. Et en corollaire, une question : où s’arrête l’hommage et où débute le copiage éhonté ? Heureusement, les Suédois sont forts d’une seconde qualité, celle d’injecter à leur musique des influences doom qui ne surprendront pas lorsque l’on sait que derrière le pseudonyme de Ragnar se planque en fait Daniel Bryntse, à l’œuvre aussi dans Isole, un des plus fiers prophètes de cette chapelle dont on retrouve la mélancolie plombée (l’intro déchirante, tout au piano, "Perennial", ainsi que l’instrumental final, le tout aussi superbe et poignant "Ereb Altor").
De fait, By Honour marie à merveille, imagerie runique, thèmes épiques, tristesse diffuse et lancinance des profondeurs. Le meilleur exemple reste le majestueux "Dark Nymph" car plus personnel, en comparaison des néanmoins gigantesques et envoûtants "Awakening", "By Honour" et surtout "Wizard" qui, du haut de ses dix minutes au compteur, sent bon les fjords et les forêts éternelles et donne envie de s’en aller guerroyer sur son drakkar, la hache la main avant de revenir honorer sa dulcinée avec passion et fureur. On n’est pas passé loin du chef-d’œuvre absolu, digne en tout cas de la référence qui a guidé sa création.