Lorsque By Honour, sa première expédition à travers les fjords séculaires, fut publiée, Ereb Altor n’était que le side-project obscur des deux têtes pensantes d’Isole, formidable groupe de Doom alors sur la voie du succès, succès qu’il a désormais atteint avec Silent Ruins et qui en toute logique se répercute sur la destinée d’Ereb Altor.
Ayant rejoint lui-aussi l’embarcadère Napalm Records, le drakkar brille maintenant de mille feux. Rutilant et propre, il est plus que jamais prêt pour la conquête. De fait, ce que l’on peut reprocher à Isole depuis deux albums, à savoir ce son trop policé et limpide bien qu’il ne lui enlève en rien de sa superbe, contamine, terme un peu exagéré toutefois, aujourd’hui le navire parallèle de Daniel Bryntse et Crister Ollson.
Ainsi, tout est (trop) parfait sur The End, successeur de By Honour attendu comme le messie par tous les orphelins du grand Bathory. Majestueuses, les compositions ne souffrent d’aucuns défauts, emportées par un souffle épique grandiose et par des arrangements qui le sont tout autant, emballées dans un écrin sans la moindre afféterie. Par conséquent, cette seconde épopée déçoit tout d’abord. Inattaquable, aussi bien au fond qu’en la forme, l’album apparaît alors beau mais vide. Son aîné affichait une aura plus sombre, que sa cuirasse, (un peu) plus dépouillée exaltait encore davantage. Bref, ruisselant d’émotions, By Honour possédait plus d’âme.
Pourtant, comme souvent avec les grands disques, ce n’est qu’avec le temps que l’on débusque les richesses, les secrets tapis dans les recoins d’une écriture très travaillée. The End est donc de ceux-ci. Peu à peu, à force de multiplier les visites dans sa cavité intime, on finit par goûter à son essence divine. Son prologue, "The Entering", se pare d’oripeaux solennels, merveilleuse invite à embarquer. Puis "Myrding" démontre qu’on tient en Ereb Altor le plus bel hommage au "Vikings", le chef-d’œuvre de Richard Fleischer avec Kirk Douglas et Tony Curtis. Il pourrait en constituer la bande-son parfaite.
L’écoute se poursuit avec ce "Our Failure" dont les riffs magnifiques percent des ouvertures dans des paysages imposants et sublimes, et par cette lancinante et magnifique pièce de Doom épique qu’est "A New But Past Day", qui figurait déjà sur la démo séminale The Awakening. Le long triptyque "The End", dont la dernière partie, envoûtante, est belle à en pleurer, achève ce voyage avec majesté, renvoyant dans les bacs à sable de la maternelle tous ces vikings du dimanche qui croient qu’il suffit d’arborer un marteau de Thor autour du cou en serrant fièrement une épée en plastique pour glorifier la grandeur de ces valeureux ancêtres. Car toute la force ainsi que le talent des Suédois résident dans cette faculté à raviver la beauté mythologique du Bathory, époque Hammerheart et Twilight Of The Gods, qu'ils allient à une véritable noblesse du trait.
Quand bien même il n’atteint pas tout à fait le Valhalla comme avait réussi à le faire son prédécesseur, The End s’impose comme un œuvre admirable qui témoigne à nouveau de la puissance d’inspiration du tandem Brynste/Ollsson.