Déjà il y a ce nom, Aldebaran, soit l'étoile la plus brillante de la constellation du taureau et qui semble annoncer quelque chose d'extrêmement massif. Il y a ensuite cette inspiration dont la source s'enfonce dans l'univers halluciné de HP Lovecraft, qui résonne de pesantes vibrations venues du plus profond de la terre. Il y a enfin ces plaintes suffocantes pour lesquelles, durer moins de 10 voire même le plus souvent moins 20 minutes, tient de l'exploit, de l'interlude entre deux interminables excavations, quand bien même les Américains, lorsqu'ils se prêtent au jeu fraternel du split, sont bien obligés de se plier à un format plus "traditionnel", témoin leur union avec Zoroaster ou bien leur frère d'arme Unearthly Trance.
Vous l'aurez donc compris tout seul, Aldebaran, c'est du lourd, du mortifère, du qui recouvre d'une chape de désespoir tout ce qui l'entoure. Cinq ans après un premier Golgotha, Dwellers In Twilight, déjà énorme et ce, à tous les points de vue, Embracing The Lightless Depths permet enfin au groupe de Portland de transformer l'essai. L'oeuvre scelle une collaboration naturelle et attendue avec Profound Lore, lequel se permet avec insolence de signer quelques unes des formations les plus excitantes d'Amérique du Nord, de Dark Castle à Morne, d'Evoken à Agalloch.
Entre trois pistes instrumentales relativement courtes ("Occultation Of Ocular Tauri" chatouille quand même les sept minutes !), manière de pause aux allures d'une trilogie squelettique, "Forever In The Dream Of Death" et "Sentinel Of A Sunless Abyss" forment l'épicentre d'un seisme démentiel tel que l'échelle de Richter ne peut même pas en prendre la mesure. Hâtivement arrimé à la scène Sludge, Aldebaran noue en réalité bien davantage de liens avec le Funeral Doom auquel il offre avec Embracing Lightless Depths un des plus effroyables spécimens.
Erigés par des musiciens en catalepsie, ces deux titres qui à eux seuls atteignent presque une heure de musique (!), ont quelque chose de monuments cylopéens dont les fondations s'enracinent dans les arcanes de la terre. Ils grondent d'une puissance souterraine, tellurique et paraissent ne jamais vouloir mourir surtout la seconde des deux, sentinelle colossale qui semble être le vestige d'une civilisation plusieurs fois millénaires. Aldebaran repousse les limites de la lenteur monolithique jusqu'à un paroxysme rarement rencontré. Ni lumière ni accélération, même timides, ne viennent à aucun moment interrompre ces granitiques marches funèbres, que surligne la production plombée du maître Billy Andersson.
Dans son genre, d'un hermétisme extrême, Embracing The Lightless Depths est un chef-d'oeuvre. Ce faisant, il démontre que le Funeral Doom peut être un art solidé, d'une âpreté minérale, loin des méandres opaques et brumeuses dont il est parfois encore (trop) coutumier.