Très peu connu par chez nous, mais par exemple célèbre en Russie, le groupe allemand And One n'en est pourtant pas à son coup d'essai puisque celui-ci existe depuis vingt ans, avec quelques périodes silencieuses et divers changements de formation autour du leader, chanteur et claviériste d'origine iranienne, Steve Naghavi.Ce nouvel album distribué chez nous par SPV (signé sur leur sous-label Synthetic Symphony) est peut-être l'occasion de les découvrir si ce n'est déjà fait, surtout à une époque où, semble-t-il, la pop électronique a de nouveau le vent en poupe.
Il ne fait nul doute que le disque est diablement accrocheur et les rythmes entrainants… On se croirait revenu à la fois dans les années 80 et plongés dans un univers aux sons plus sombres, plus profonds. And One utilise un mélange de timbres à la texture très consistante, un mélange de timbres numériques et d'autres dits "analogiques". Les rythmiques électroniques ont également une texture assez épaisse, riche en basses, ce qui contraste heureusement avec les sonorités souvent bien minces et trop aigues de nombre de formations dans le genre.
Mené depuis le début par Naghavi, le groupe a cultivé une image provocatrice au niveau de ses textes souvent inspirés par la politique internationale et l'opposition entre les blocs capitalistes et communistes, ce qui contraste avec le côté dansant et fortement accrocheur de sa musique. Les textes de cet album chanté exclusivement en anglais semblent peu politiques, cette fois. Les influences avouées de Naghavi sont le Depeche Mode des débuts, mais aussi Kraftwerk et Front 242, voire le groupe expérimental D.A.F.
D'ailleurs, le groupe est affilié au style EBM, pour "Electronic Body Music", expression inventée il y a des lustres par Ralf Hütter, la principale tête pensante de Kraftwerk, pour désigner une musique froide aux rythmes linéaires et d'allure martiale, qui se prête à des mouvements de danse saccadés. Naghavi possède une voix grave et claire, la plupart du temps; il prend parfois un ton quelque peu dramatique et menaçant. Mais il n'est pas le seul chanteur ici, quoique les informations au sujet des musiciens soient quasiment absentes. Ainsi, les vocaux habituellement clairs et graves sont remplacés par un timbre plus nasillard et rugueux sur "Back Home" et une chanteuse intervient toute seule sur le bref titre paisible "Aigua" totalement dénué de percussion.
Difficile de ne pas retenir le refrain aux chœurs scandés de "Shouts Of Joy" ou les couplets du rapide "Don't Get Me Wrong" rappelant vaguement "Der Kommissar" du regretté chanteur autrichien Falco (décédé en 1998) avec un refrain fortement orchestral et bien plus mélodique.
Le point fort de "S.T.O.P." est cette prépondérance constante des mélodies et les arrangements de synthétiseurs orchestraux là ou d'autres privilégiaient systématiquement des rythmes électroniques froids et des séquences mécaniques.
Vers la fin de l'album, le style change sensiblement. Tout d'abord le long "The End Of Your Life" introduit par l'instrumental "Everybody Dies Tonight" est lent, peu basé sur la rythmique, un morceau ambient et inspiré. Et enfin, "S.T.O.P." se termine avec un second instrumental très lent et mélancolique mené par le piano, le bien nommé "No Words" avec des chœurs synthétiques superbes.
And One signe donc un album plaisant et varié pour les amateurs du genre électronique, évitant le piège de la monotonie et des arrangements trop minimalistes, trop souvent caractéristiques des musiques du genre trance/techno. Ceux qui appréciaient Ultravox à l'époque de "Vienna" et "Rage In Eden" pourraient aussi s'y intéresser, même si le romantisme inhérent à bon nombre de compositions d'Ultravox n'est pas aussi présent ici, notamment à cause du chant plus sec.
A noter qu'il existe une édition limitée de cet album, avec un CD bonus où figurent six titres supplémentaires, souvent plus sombres et plus agressifs que ceux de l'album principal, mis à part un long instrumental atmosphérique ("Dark Heart").