Après la tempête provoquée par "In The Court Of The Crimson King", King Crimson ne pouvait bien évidemment pas disparaître dans l’ombre et sort, en Mai 1970, ce "In The Wake Of Poseidon" qui aura l’effet d’un pétard mouillé sur le plan médiatique. En effet, non contents d’avoir remanié le line-up du groupe après le départ d’Ian McDonald, Fripp et Sinfield, qui constituent alors les têtes pensantes du groupe, repartent en studio juste après la parution de l’album, condamnant par là-même une éventuelle tournée.
"In The Wake Of Poseidon" s’ouvre sur ‘Peace – A Beginning’, sorte de fil rouge au motif musical récurent qui va venir introduire, conclure (‘Peace – An End’) l’album et nous offrir un instant de douceur (‘Peace – A Theme’) entre deux morceaux assez difficiles d’accès. Si l’album semble moins compact que le précédent, il est en revanche, plus dense, principalement pour deux raisons : les trois interludes ‘Peace’ permettent une approche plus posée de cet opus et offrent des moments de répit. De plus, le groupe est composé de pas moins de 7 membres, qui, s’ils n’ont pas tous participé à la composition des morceaux, apportent chacun leur personnalité sur tel ou tel titre, que ce soit les lignes de basse criardes et déchirantes de Peter Giles sur ‘Pictures Of A City’, ou le jeu de piano tout sauf discret de Keith Tippet sur ‘Cat Food’. Toutes ses interventions musicales se recoupent constamment et donnent un rendu qui, loin d’être brouillon, sonne d’une manière étonnamment cohérente.
Et, chose qui mérite l’attention, "In The Wake Of Poseidon" comprend deux titres assez originaux : ‘Cat Food’, virulente diatribe contre la société de consommation, se distingue par sa durée, (environ 4 minutes, elle sortira même en 45 tours) et par son ambiance teintée d’humour, contraste flagrant avec les odes apocalyptiques qu’étaient ‘21st Century Schizoid Man’ ou ‘Epitaph’. Outre cela, on remarque la présence du tout premier morceau entièrement instrumental de King Crimson, ‘The Devil’s Triangle’. Très expérimental et atmosphérique, il se conclut avec des collages très plaisants de ‘The Court Of The Crimson King’ qui renforcent son aspect mystique et oppressant.
"In The Wake Of Poseidon" possède de nombreuses qualités qui lui permettent de se démarquer de son homologue. Certes les ressemblances sont frappantes et ce dès l’intitulé mais comment pourrait-il en être autrement vu que la grande majorité de l’album a été composée par le quatuor d’origine sur scène ou en répétition ? Au final, son seul défaut est d'avoir succédé au monument qu'est "In The Court Of The Crimson King"...