Avec "431", Music Waves inaugure une série de chroniques post-mortem qui, espérons-le, n'aura pas de suite. En effet, Cynosura, groupe cosmopolite d'origine suisse, produit (réédite?) ce premier album en hommage à leur chanteur/guitariste/compositeur, l'écossais Craig Mc Connell, disparu l'année dernière. Cynosura tire son nom de la mythologie grecque, nymphe transformée par Zeus en étoile, plus précisément l'Etoile Polaire de la Petite Ourse. Le titre intrigant est également lié à cette légende, "431" représentant le nombre d'années-lumière séparant la Terre de l'Etoile Polaire. Vous avez dit conceptuel ?
La métaphore est filée au long des titres tels que 'Beyond The Stars', 'The Arc Of Night' ou 'Memories Of Andromeda', nous plongeant au cœur des constellations. Pourtant le groupe ne donne pas dans le space opera mais hésite entre le classico-moyenâgeux inquiétant et l'AOR pur jus. Le début de l'album tient nettement du premier genre, les trois premiers titres ayant en commun un tempo lent et une forte tendance à l'emphase dramatique. Nappes de claviers sépulcrales, roulements de tonnerre, coups de gong et chant déclamatoire, l'ambiance est plombée et le groupe ne donne pas dans la légèreté. Le chant masculin notamment est très ampoulé, et l'intervention façon opéra lyrique de Claire Millon (très belle voix nonobstant) sur 'Broken Worlds' ne contribue pas à donner un caractère naturel aux mélodies même si, emphase mise à part, les chants sont justes et les thèmes musicaux agréables sans être toutefois originaux.
Pourtant cette introduction est une fausse piste. Seul 'The Arc Of Night' reviendra à cette impression un peu artificielle, avec néanmoins plus de réussite, Cynosura parvenant enfin à trouver l'équilibre entre musique ample, théâtralité, fluidité et originalité. Car pour le reste, le groupe nous sert une musique puissante et carrée, très proche de ce que fait Asia.
L'instrumental 'Espace Velocity' ouvre le bal avec un très beau duo guitare/basse mené bon train. Un duo à l'honneur sur la plupart des titres qui suivent : Craig Mc Connell n'est pas avare d'envolées de guitare aériennes, tutoyant parfois David Guilmour le temps d'un titre ('What Fills Your Eyes'). Christian Sallin, co-fondateur du groupe, sait faire chanter sa basse, ne se contentant pas de poser les temps mais tenant régulièrement le rôle d'instrument lead. La batterie arrive à la fois à être suffisamment présente pour mettre du relief et discrète pour ne pas alourdir la musique. Les claviers sont les plus mal lotis, un peu trop discrets. Pourtant, le pianiste montre qu'il n'est pas maladroit sur 'The Arc Of Night'. Il aurait été agréable de l'entendre plus souvent. Les touches de flûte et les interventions vocales de Claire Millon apportent leur lot de fraicheur. Enfin, le chant masculin, un peu égratigné au début de cette chronique, est nettement plus à sa place. Craig Mc Connell a un timbre grave et profond rappelant John Wetton ou Greg Lake et sa tessiture est plus adaptée à une musique soutenue et dense qu'aux titres contrastés où elle perd son naturel.
Certes, l'originalité et la sensibilité ne sont pas les qualités premières de ce CD et l'on ne se départit pas d'une impression de déjà-entendu, mais au final l'album un peu kitsch que pouvait laisser craindre l'écoute des premiers titres fait place à un bon disque de rock dynamique, vigoureux, agréable et bien joué. Le plaisir est au rendez-vous, et c'est là l'essentiel.