Guitariste allemand né en 1976, Adrian Weiss peut se targuer d'avoir déjà une carrière assez bien remplie derrière lui. Il a fait partie du groupe Thought Sphere de 1996 à 2003 puis a intégré Forces At Work, qui mêle thrash et death metal avec des influences bien différentes, éléments funky et guitare classique (leurs vocaux peuvent être tour à tour clairs puis très agressifs !). Rien de tout cela ici, sur un album entièrement instrumental que le guitariste a composé progressivement depuis 1999 et enregistré au fil de l'eau avec une kyrielle d'invités. Le disque fait pourtant preuve d'une certaine cohérence.
La musique présente sur ce CD est relativement mélodique, avec des influences blues, rock, vaguement jazz parfois mais aussi un côté metal, voire trash pendant quelques secondes ici et là. L'ensemble n'est finalement pas très éloigné de ce que l'on a déjà entendu de la part de toute une série de virtuoses de la guitare ces 20 dernières années, avec quand même une touche plus agressive au niveau du son par instants.
Plus accessibles que ceux de son groupe, les morceaux présentés ici rappellent les univers de guitaristes américains de référence comme Eric Johnson, Joe Satriani et Steve Vai mais surtout le picking ultra-rapide de John Petrucci, avec des dissonances de style "pédale wah wah" (un effet dont il use et abuse…), plus quelques éléments de metal européen (si cela veut encore dire quelque chose vu la mondialisation du metal). On note beaucoup d'harmonies de guitares sur quelques morceaux également.
Ainsi, "Summer drive" démarre comme une ballade mid-tempo avec une jolie mélodie harmonisée qui évoque une promenade en voiture sur les côtes de Californie et s'accélère progressivement, pour finir avec une séquence en shredding débridée. Le jeu de Weiss est versatile, souvent précis et clair, sauf lors de passages plus agressifs et distordus à la wah wah, (ce qui arrive trop souvent sur l'ensemble) mais il est surtout d'une fluidité impressionnante. "Egyptian Inscription" est un titre lourd au rythme martelé, avec quelques vocaux échantillonnés ici et là, basé sur une mélodie orientalisante et dont le thème principal évoque plutôt une musique de film. Le guitariste s'amuse à étirer et distordre certaines notes à la wah wah et le morceau s'y prête relativement bien. Il aurait fallu s'en tenir là…
Plusieurs morceaux ont été composés et enregistrés avec la collaboration du guitariste Demian Heuke, qui ajoute guitares rythmiques et acoustiques, parfois un solo, notamment le premier titre et "Desert Song", ce dernier évoquant une traversée dans le désert, combinant thème très accessible avec des multiples guitares acoustiques à la teinte plus ou moins hispanisante et des parties solistes très rapides et brillantes. La musique prend parfois une tournure assez progressive (mais pas symphonique !) comme sur le long "Tough Luck", qui compte pas mal de breaks parfois assez inattendus, un morceau dont le départ est sombre et bluesy mais s'accélérera bien vite. On y remarque trois solistes invités dont Victor Smolski (autre virtuose, membre de Rage). "Bright Awakening" ressemble au départ à une belle ballade lente avec un mélange de guitares acoustiques et électriques à la tonalité américaine, un rien AOR, si ce n'est que le jeu du batteur est de toute évidence plus lourd et plus démonstratif et que le morceau vire rapidement à la cavalcade…
Rien de passionnant quand même au final, ni de très beau car le guitariste ne peut pas s'empêcher d'en faire trop aux dépends de la sensibilité et ses sonorités sont quand même assez tranchantes, voire un peu creuses (cf. le son crachouillant sur le parfois furieux "The Progressive Society"). Construire un solo autour d'une mélodie n'est pas si facile et Weiss préfère de toute évidence distordre les notes et jouer vite. Il peut même laisser ses nombreux collègues s'exprimer, comme le bassiste Goran Vujic sur "Liquid Pension Experiment" qui fait de toute évidence référence à LTE. Ce n'est pas la seule fois où la guitare basse peut briller, d'ailleurs. On retiendra quand même le plus calme "Disappear" sans batterie, avec guitare acoustique, basse fretless et guitare électrique.
Au final, un album de guitariste de plus, pas mauvais mais qui hésite trop entre des sonorités de metal moderne agressives et les influences blues/hard rock... D'autres ont fait mieux avec plus de finesse et de chaleur...