Une fois par trimestre environ, le label italien Glacial Movements nous offre un voyage contemplatif à travers les étendues frissonnantes et (quasi) vierges de l'espace polaire, paradigme original aussi bien que cahier des charges précis que des artistes tels que Loscil, Rapoon ou Netherworld honorent depuis 2006. Ce catalogue aussi précieux que singulier vient s'enrichir d'un nouveau gemme glacial : I Remember de Bvdub.
Se réclamant de la Deep-Techno, Brock van Wey, américain de sang mais désormais installé en Chine, est un de ces créateurs dont une vie entière ne suffira pas à faire le tour d'une carrière en perpétuel mouvement, l'homme ne cessant d'enfanter tout seul dans son coin des albums par palettes entières (près d'une vingtaine sous son propre nom sans compter les dizaines en collaboration avec d'autres). Un an après The Art Of Dying Alone, il retrouve Glacial Movements pour I Remember, exercice de style passionnant en cela qu'il est en réalité une adaptation (une translation pour reprendre le sous-titre de l'opus) d'une oeuvre déjà existante, le Morketid de Netherworld, soit la seconde production du label.
Mais là où le matériel originel était aride, austère et très peu accessible, la retranscription de Bvdub se pare d'une beauté absolue, envoûtante, à tel point que les deux disques paraissent totalement indépendants. On aurait pu croire que Brock van Wey tenterait de couler son art dans celui de Neterhworld et c'est en fait l'inverse qui s'est produit : adapter les modelés opaques de Morketid à la plastique vaporeuse que l'Américain a l'habitude de tricoter. Ceux - ils sont rares - qui connaissent ce dernier, savent donc à quoi s'attendre, à ces nappes Ambient qui touchent au sublime et semblent s'étendre à l'infini, à l'image des déserts blancs qu'elles cherchent à matérialiser.
Ourlée de choeurs lointains et fantomatiques, chaque composition épouse la forme d'une élévation gigantesque, débutant sur un murmure synthétique pour déboucher sur une apothéose de sons froids et organiques. Pièces monumentales, "This Place Has Only Knonw Sadness" et "We Said Forever" illustrent à merveille cette construction qui prend toute sa (dé)mesure avec un ampli poussé à fond ou lors d'une écoute religieuse au casque lorque que la nuit (hivernale, forcément) prend possession des lieux.
Avec des durées qui ne descendent presque jamais en-dessous de la barre des treize minutes, Bvdub prend son temps, installant ses atmosphères et un climat évanescent pour nous emporter très loin vers un Absolu divin. C'est beau et triste à la fois et réussit l'exploit de dépasser, de transcender même, le socle gelé qui lui a servi de base de travail. Immense...