Cinq ans sans un nouvel album de Rush, ça peut paraître longuet. La dernière livraison en date, un "Snakes And Arrows" qui avait moins divisé les foules que "Vapor Trails" son trop rêche prédécesseur, n’avait tout de même pas réussi à convaincre totalement. Il est vrai que les amateurs du Prog virevoltant des débuts avaient en partie lâché l’affaire après "Hemispheres" et les nouveaux fans acquis à la sortie de "Permanent Waves" et conquis par le période haute en couleur (synthés à tous va, sons clairs et mélodies somptueuses) qui suivit jusqu’à "Hold Your Fire" avaient vu leur intérêt décliner avec la sortie de "Roll The Bones" puis défaillir avec celle de "Counterparts". Certes, l’intérêt pour la musique des canadiens de ces franges est resté de mise, mais sans toutefois que leurs albums soient par tous attendus avec forte impatience, ce même si leur phénoménale énergie sur scène draine sans discontinuité des hordes de spectateurs à leurs concerts. Rush a toujours su varier ses plaisirs et c’est son droit le plus absolu.
Avec "Clockwork Angels", la bande à Lee nous raconte le voyage d’un homme dans un monde d’endoctrinement où se pratique le culte de l’Horloger. Il y croise des prêtres-alchimistes, des anges mécaniques, l’Anarchiste, des naufrageurs... Il y est question, au fil de ses nombreuses aventures, de cités d’or, d’erreur judiciaire, d’optimisme déchu, de fatalisme…and the conclusion is : les forces régissant l’univers échappent à l’humain mais ça ne l’empêche pas de pouvoir mener son petit bonhomme de chemin. Rush a souvent été encensé pour ses textes introspectifs loin des standards redondants et basiques du Hard Rock mais il serait franchement étonnant, mis à part si vous lisez Shakespeare dans le texte, que leurs écrits vous parlent et constituent un des piliers de votre intérêt pour le groupe.
Question musique, Rush tient une forme olympique ! Voilà très longtemps que les canadiens ne nous avaient pas sorti un album de cette trempe. Car ici les mélodies sont quasiment toutes soignées et la puissance et la richesse qui se dégagent des morceaux n'est jamais prise à défaut. Alors bien entendu, on pourra faire la fine bouche sur un "Seven Cities Of Gold" redondant et peu inspiré mélodiquement parlant, mais pour rechigner sur le reste, il faut vraiment avoir du persil dans les oreilles.
Il serait superflu ici d'évoquer la monstrueuse technique des trois compères, alors nous ne nous y attarderons que pour signaler que la basse de Lee n'a jamais autant claqué et virevolté que sur ce nouvel opus, que les riffs de Lifeson musclent sérieusement l'ambiance ("BU2B" et "Headlong Flight" par exemple où ça matraque sévère) et qu'il se la joue parfois 'arabisant' ("Clockwork Angels", "The Anarchist"). Les propos sont souvent sombres mais parfois primesautiers comme sur le très groovy "The Anarchist" (on pense à l'album "Grace Under Pressure") ou le refrain fort réussi de "BU2B". On croise parfois l'esprit de "Permanent Waves" ("Clockworks Angels"), celui de "2112" (les couplets tranquilles de "Halo Effect") et d' "Hold Your Fire" (le magnifique "The Wreckers"). Mais à bien y écouter, cet album reprend un peu le meilleur de tous les mondes de ces sacrés canadiens !
Le trio magique vient ici de nous sortir, avec "Clockwork Angels" et sa pochette clin d’œil à 2112 (l’horloge indique 21h12), son meilleur opus depuis deux décennies. Ne passez surtout pas à côté de cette réussite intégrale !