Cela faisait des années qu'on en parlait de cette collaboration entre Steve Hackett et Chris Squire. Ce dernier a en effet fait appel à Steve sur son sympathique album de Noël assez particulier il y a quelques années et Hackett a de son côté fait jouer le bassiste géant sur ses deux derniers albums solo. Annoncé depuis deux ans comme étant presque achevé, cet album se sera encore fait attendre, le temps de trouver une maison de disques. De façon assez surprenante, le duo a signé un contrat avec une nouvelle division d'Esoteric Recordings, label destiné aux rééditions de qualité (filiale de Cherry Red Records).
Les deux hommes sont accompagnés du fidèle Roger King aux claviers (qui ajoute de belles orchestrations sur tous les morceaux de l'album et a produit celui-ci) et du batteur Jeremy Stacey, qui a travaillé avec des tas d'artistes divers et participé à l'album de reformation de The Syn, en 2005, aux côté de Chris Squire.
"A Life Within A Day" semble de prime abord être davantage l'œuvre de Steve Hackett que celle du bassiste. Alors que l'on attendait beaucoup d'harmonies vocales des deux hommes, Squire chante finalement assez peu, essentiellement dans les chœurs et un peu en chant principal sur trois morceaux, qu'il a probablement amenés. Etant donné que Steve Hackett semble le vocaliste le plus fragile des deux, c'est assez surprenant ce d'autant plus qu'au moins quatre morceaux ont été composés en groupe, avec l'aide de King qui cosigne tous les morceaux. Mais heureusement, le guitariste a fait de gros progrès ces dernières années, en tournant régulièrement, et son timbre suave est soigneusement mis en valeur.
L'album est assez varié, sans toutefois atteindre l'extrême diversité des productions Hackett. Beaucoup seront surpris de l'hommage au Led Zeppelin de "Kashmir" sur le morceau titre, qui ouvre l'album sur un tempo lourd et puissant, à l'ambiance orientale, très orchestral, mis à part une partie instrumentale plutôt rapide et complexe et quelques solos de guitare discordants. Sur ce titre comme sur la plupart des autres, le jeu de basse puissant de Squire est bien mis en valeur. On reconnaît par contre la patte typique du guitariste sur des morceaux comme la ballade rapide "Divided Self" aux relents anglais, avec son final en forme de valse passéiste et au solo très mélodique ou encore le très délicat et mélancolique "The Summer Backwards" où dominent les guitares acoustiques à 6 et 12 cordes ainsi que les vocaux démultipliés et harmonisés.
"Aliens" est une belle collaboration où les deux hommes se partagent le chant, associant mélodies mélancoliques et plus enjouées. Les instruments acoustiques et électriques se fondent ensemble, créant un ensemble accessible mais d'une belle richesse instrumentale. Si le côté plus rock ne domine pas sur l'album, on retrouve néanmoins un blues puissant avec "Stormchaser" où les guitares tranchantes et l'harmonica forment un contraste assez inattendu par rapport à l'accompagnement de synthés et aux vocaux aériens.
Du côté des morceaux qui portent davantage la marque de Squire, on peut mentionner "Tall Ships". Si l'intro classique vient ouvertement du guitariste ainsi que le refrain planant, le reste du morceau, avec son riff un peu funky et son rythme chaloupé, semble plutôt l'œuvre du bassiste… Un morceau contrasté qui concilie des parties de guitare slide presque bluesy et d'autres dignes d'un violon à la façon habituelle de Hackett !
Comptons aussi la ballade légère et quelque peu mystérieuse "Can't Stop The Rain", réelle la fusion des styles des deux hommes dans laquelle Amanda Lehmann ajoute ses harmonies vocales au chant de Squire. C'est une belle réussite, qui s'enchaine naturellement avec le dernier morceau plus orchestral, "Perfect Love Song", qui démarre lentement comme une ballade orchestrale, mais va en s'accélérant ; un morceau également chanté en partie par le bassiste et illuminé par plusieurs solos de guitare brillants, qui se termine trop vite (à peine 4 minutes) alors qu'on ne demanderait qu'à entendre davantage de développements instrumentaux. Si ce titre devait être joué en concert, gageons qu'il ferait un final idéal ! Enfin, le rapide et très dynamique "Sea of Smiles" est sympathique, accrocheur mais un peu anecdotique.
Evidemment, on peut se lamenter sur l'absence de morceaux vraiment complexe et ambitieux. On aurait pu s'attendre à un ou deux instrumentaux aussi mais ne soyons pas trop difficiles… "A Life Within A Day" concilie mélodies accrocheuses et arrangements sophistiqués, le tout avec une belle diversité, ce qui est déjà très bien !
A noter que cet album existe en deux versions, avec les mêmes morceaux : l'édition spéciale sous forme de digibook comprend un DVD audio avec le mixage stéreo en haute définition et un mixage en Dolby Surround 5.1.