Deux ans après son premier album éponyme, Hatfield And The North revient avec ce qui sera aussi son dernier album : "The Rotters' Club". La formation est la même que sur le précédent disque, les délicieuses Northettes sont toujours aussi charmantes et le groupe fait de nouveau appel à quelques invités gravitant autour de leurs univers musical : Tim Hodgkinson et Lindsay Cooper de Henry Cow, Mont Campbell de Egg et Jimmy Hastings qui a honoré de ses "vents" Caravan et Soft Machine entre autres.
Pourtant, et même si les recettes sont sensiblement les mêmes, "The Rotters' Club" se démarque de son glorieux ainé à bien des égards. En premier lieu, le côté jam est moins affirmé, les morceaux semblent plus construits et ont sensiblement réduit la place aux improvisations, même si celles-ci nous offrent encore de savoureux moments. De même, le côté "bon enfant" qui rayonnait tout au long du premier disque se voit ici parfois obscurci de passages plus inquiétants ('The Yes No Interlude', la troisième partie de 'Mumps'), même si la fantaisie prédomine encore, à l'exemple du facétieux pont de 'Share It' interprété par un moog aux accents emerson-ien. Enfin, la symbiose magique qui s'était opéré entre les titres de "Hatfield And The North", donnant l'impression d'une écriture à huit mains, s'est délitée, chaque composition pouvant aisément être attribuée au membre qui l'a écrite. Richard Sinclair fait des chansons plus canterburiennes que jamais, les honorant de son timbre flegmatique, Phil Miller s'est radicalisé dans le jazz et Pip Pyle explore des sons nouveaux, ses titres se peuplant de rythmes bancals, des gimmicks discordants et farfelus des instruments à vent, de solos échevelés de clavier et de guitare, la batterie et la basse fournissant un arrière-plan sonore frénétique à une musique sans logique apparente.
Seul Dave Stewart reste fidèle au melting-pot d'influences musicales et à la décontraction assumée du premier album, avec le long 'Mumps'. Un titre sur lequel les thèmes changent fréquemment, laissant à chaque instrument la latitude de s'exprimer tour à tour ou conjointement, où chaque musicien y va de sa ligne mélodique raffinée et complexe, le miracle tenant au fait que l'ensemble s'écoute avec plaisir et sans difficulté. C'est également sur ce titre que l'on peut célébrer le retour des Northettes, jusqu'alors absentes. Le fait que l'une d'entre elles soit la compagne de Dave Stewart n'y est peut-être pas totalement étranger. 'Mumps' rappelle par certains côtés le 'Nine Feet Underground' de Caravan, c'est dire sa qualité.
Malgré, ou grâce à ces quelques différences, "The Rotters' Club" évite la redondance tout en restant suffisamment proche de la tonalité du premier album pour offrir à l'auditeur un paysage sonore renouvelé sans être trop dépaysant. Malheureusement, faute de trouver son public, Hatfield And The North jettera l'éponge et ses membres iront vivre d'autres aventures. Ils nous lèguent deux splendides joyaux dont je ne peux que vous recommander l'écoute.