Si, sur le papier, Arcana semblait être entré dans une phase de sommeil depuis 2008 et Raspail, la réalité est en fait toute autre. Certes, Peter Bjärgö a mis à profit cette période pour s'exprimer en solo et tout en spleen (A Wave Of Bitterness, The Architecture Of Melancholy), il n'en pas pour autant déserté son principal port d'attache, écrivant avec Annmari Thim et son épouse Cecilia Bjärgö ce qui allait devenir As Bright As A Thousand Suns tout en se produisant sur scène, sans oublier le travail de restauration des enregistrements courant de 1996 à 2002 (The First Era).
Ceci dit, ce septième album, préparé par le EP Emerald, incarne presque un nouveau départ pour le groupe suédois : nouveau label (Cyclic Law, depuis 2010), un line-up enrichi du talent conjugué de Nuria Luis (violon) et de Sergio Gamez Martinez. Et nouvelle direction artistique ? Non, justement. Les jamais-contents le regretteront (peut-être), arguant qu'Arcana et celui qui lui insuffle son âme, n'évoluent désormais plus vraiment, prisonniers qu'ils sont d'un style, d'une recette dont ils ne cherchent pas à se départir. Bien qu'exagéré, le constat n'est pas sans fondement. La patte Peter Bjärgö reste ainsi reconnaissable entre mille, son écriture et ses arrangements, également.
Mais quand ces permanences stylistiques sont mises au service d'une musique aussi belle et inspirée, qu'importe au final que As Bright As A Thousand Suns n'innove en rien (ou si peu) par rapport à des oeuvres matricielles telles que Dark Age Of Reason ou Cantar De Procella. Quel plaisir de retrouver Arcana au fil de ces dix nouvelles complaintes. Nous ne reviendrons pas sur la puissance émotionnelle de "As The End Draws Near" que la chronique d'Emerald, où il figurait déjà, a évoqué en détail. Entre pulsations instrumentales ("Inceptus", superbe de bout en bout, que bercent toutefois des choeurs aussi sombres que tragiques, "Infinity" et ses percussions tribales ou" Vinter", froidement funéraire), ce sont de somptueux tableaux qui prennent vie, peint par les envolées néo-classiques de Annmari Thim, que soulignent avec justesse les mélopées de Cecilia Bjärgö, remisant le chant de Peter au second plan ("The Fading Shadow", "As Bright As A Thousand Suns", titre par ailleurs assez proche de ses échappées en solitaire). Mais il y a le déjà cité " As The End Draws Near" qui de toute façon justifie à lui seul l'achat de cet album.
Classique peut-être, l'opuscule rehausse néanmoins la palette du groupe de nombreux atours (la combinaison des deux voix féminines, des lignes de violon plus riches) et d'un travail éblouissant sur les percussions toujours entre les mains de Matthias Borgh. Pas de révolution donc mais une évolution subtile vers une musique plus lumineuse bien que toujours automnale, sombrement belle et tragique. S'il ne saurait passer pour le chef-d'oeuvre de ses géniteurs, As Bright As A Thousand Suns ne decevra pas les admirateurs, trop heureux de pouvoir goûter (enfin) à nouveau à cet art aussi précieux qu'unique.