Le titre "Departure" ne s'applique pas à l'orientation musicale du groupe car ici, Journey reste fidèle aux principes établis par les deux albums précédents. Celui-ci n'en est que le prolongement naturel. Par contre, de départ il sera bien vite question puisque ce sera le dernier enregistrement où figure le claviériste Gregg Rolie. Il cosigne pourtant un titre avec Steve Perry et chante en duo avec lui sur la ballade "Someday Soon". Neal Schon lui-même, quoique nettement plus limité sur le plan vocal, pousse un peu la chansonnette avec Perry sur un morceau.
La première face de "Departure" ressemble à un véritable collier de hits potentiels ! Chœurs éclatants dès l'introduction du très dynamique "Any Way You Want It", vocaux qui se répondent un peu à la façon Queen sur un tapis d'orgue solennel et d'arpèges électriques sur l'inclassable "People And Places", rythme chaloupé et duo orgue/guitare un rien latino sur le bluesy "Walks Like A Lady"… Sous bien des formes, Journey confirme son talent indéniable pour produire des mélodies vocales imparables sur des rythmes accrocheurs avec des parties de guitares peaufinées et des soli éblouissants. Encore une fois, certains morceaux sortent un peu des structures archi-prévisibles couplet-refrain-couplet-refrain. Le son est varié, avec un Gregg Rolie qui se partage entre les différentes sonorités d'orgue, le piano et un peu de synthé.
Ici, le groupe reprend un petit côté bluesy à plusieurs reprises, notamment avec "Precious Time" et ses soli d'harmonica. Ambiance blues encore mais plus sombre et dramatique sur le splendide et heavy "I'm Crying", ses soli de guitare incandescents et son orgue rugissant mélangé au piano : un morceau très éloigné des clichés AOR des années 80 ! Petite surprise avec deux titres très courts enchainés : l'instrumental "Departure" et l’émouvante ballade mélancolique "Good Morning Girl", avec un délicat arrangement d'orchestre, que l'on voudrait nettement plus longue. Pour les amoureux du côté paisible du groupe, juste derrière, on trouve "Stay Awhile", une autre courte ballade arrangée pour cordes.
Pour les amateurs du côté Hard-Rock, citons le rapide et très accrocheur "Where Were You", le bouillonnant "Line Of Fire" avec un Steve Perry qui pousse un peu trop dans les aigus, et le morceau final qui reste le plus rugueux : "Homemade Love", une pièce au rythme syncopé mais pas très marquante, avec encore des cris dont on se passerait.
La réédition remastérisée en 2006 (un digipack avec un beau livret de 16 pages illustrés de nombreuses photos) possède un son magnifique, d'une profondeur équivalente à celle des meilleurs vinyles, mais aussi deux morceaux supplémentaires : deux ballades… avis aux amateurs ! Le lent "Natural Thing", un slow ponctué par le piano de Rolie, aux relents bluesy encore une fois. Et pour finir, un extrait de la bande originale "Dream After Dream" : la magnifique suite symphonique "Little Girl" qui débute et finit à la guitare acoustique (avec un harmonica inattendu), et dont le son un peu daté est compensé par sa beauté mélancolique et le refrain inoubliable, sans oublier son énorme solo de guitare !
Peut-être un rien en deçà de la réussite des deux album précédents, "Departure" n'en reste pas moins un très bon album, dont le son très chaleureux est caractéristique de Journey, un son qui va évoluer rapidement dans les années 80.