En trois disques, Journey s'est fait connaitre mais n'a pas décollé commercialement. Il atteint à peine le top 100 des meilleures ventes américaines et de fait, le groupe et son management vont changer leur formule de manière assez radicale. Gregg Rolie perd sa place de chanteur principal à laquelle il est remplacé par Steve Perry après un court essai de Robert Fleischman, ne chantant plus que quelques passages. Perry est un grand chanteur, mélodique et technique, idéal pour plaire à un large public et aux radios. Il a cette capacité à transcender une chanson à lui tout seul comme savent le faire un Freddie Mercury ou un Lou Gramm. Ensuite, musicalement, Journey va en grande partie laisser de côté les aspects progressifs et aventureux. "Next" avait un peu abordé ce tournant, au profit de chansons courtes, faciles d'accès et portées par la voix de Perry.
Ce changement va nous donner un album de très grande qualité, le premier que l'on pourra qualifier d'A.O.R. de la part du groupe, le tout sans qu'il n'y ait rien à jeter, les dix titres étant, soit des tubes énormes, soit de grande qualité. Abordant sur la pochette un logo fort et un visuel marquant, Journey franchit un pas de géant. Il faut dire qu'avec des singles comme "Wheel In The Sky, "Lights", "Feeling That Way" et "Anytime", la bande de Neal Schon frappe fort. Ce dernier, plus en retrait avec sa guitare, reste le maître du jeu. Il écrit avec brio et ses interventions restent brillantes, cela même si son vocaliste est désormais la figure de proue de Journey. Ces chansons possèdent des refrains énormes. Celui de "Wheel In The Sky" est un monument du genre, des mélodies à tomber par terre et un feeling imparable. Le tout est soft et commercial et décevra peut être les anciens fans, mais on ne peut que succomber devant tant de facilité et d'aisance d'écriture et d'interprétation, Journey écrivant sa légende au travers de chacun de ces titres.
A côté, les morceaux restants n'ont guère à rougir de la comparaison. Il n'y a en effet que de bonnes choses au programme. On trouve un Hard-Rock au rythme endiablé avec "La Do Da", soutenu par la guitare flamboyante de Neal Schon. Il y a la belle ballade "Patiently", exercice traditionnel sur lequel Perry est impérial, le tout avec un break rapide chanté par Gregg Rolie qui lui donne un fort supplément d'âme. En fin d'album, on retrouve avec "Winds Of March" et "Opened The Door", deux belles chansons plus longues qui retrouvent un peu de ce ton progressif des débuts. La première débute comme une ballade langoureuse avant que l'orgue Hammond et la guitare ne s'en mêlent pour nous proposer une ébouriffante partie instrumentale. La deuxième possède ce charme irrésistible des années 70, tant dans ses parties chantées qu'instrumentales, et nous replonge dans ce qui faisait la force de Journey à ses débuts.
"Infinity" réunit toutes les conditions d'un classique: il présente un chanteur d'exception, véritable révélation de l'album, des compositions brillantes, alternant entre titres accessibles et plus travaillés, et un groupe déjà au sommet de son art dans tous les domaines. Il lance la carrière de Journey car le disque va être un grand succès populaire, et au vu du potentiel exprimé, il est clair que ce n'est qu'un premier pas. Avec "Infinity", un monstre du rock voit le jour et plus de 30 ans après, il reste un passage obligé pour tout amateur de rock mélodique de qualité.