Exercice très apprécié au sein de la confrérie noire, il existe deux catégories de split, autant dans la forme que dans le fond d'ailleurs. La première agglomère des titres sans autre fil conducteur qu'une même appartenance à une des (nombreuses) sous-chapelle divisant le Black-Metal. Se limitant souvent aux deux faces d'un simple 7' (soit un 45 tours pour les puceaux du format vinyle), il s'agit alors pour les protagonistes de se délester de compositions qu'ils ont sous le coude et de sceller la fraternité virile qui cimente le genre. Plus intéressante est la seconde où le split tient plus de la collaboration, de l'album à part entière, la contribution de chacun étant reliée par un concept commun sinon complémentaire, et bien que les titres se révèlent indépendants les uns des autres.
Towards The Shores Of The End entre dans sa deuxième catégorie tant Fen et De Arma paraissent connectés l'un à l'autre au point d'accoucher d'une œuvre qui se suffit à elle même. Ce split possède au moins deux intérêts. D'une part, il confirme tout le bien que l'on pense de Fen, entité britannique se nourrissant de la géographie physique de la perfide Albion pour ériger un art noir terreux que nappe la brume qui enveloppe les champs gorgés d'humidité à l'aube. Dans la foulée du colossal Epoch, les Anglais couchent sur bande quatre morceaux (dont une relecture acoustique - et plus courte - de "Bereft", extrait de The Malediction Fields) qui, loin de se réduire à de médiocres chutes de studio au rabais, poursuivent une œuvre personnelle que la maladroite étiquette "Post Black" ne définit pas vraiment avec justesse.
D'autre part, Towards The Shores Of The End nous offre la découverte du nouveau side-project du suédois A. Petterson (Armagedda, LIK, Lönndom) dont on retrouve avec bonheur la signature inimitable, autant dans ce chant lointain aux accents boisés, que dans ces ambiances mélancoliques et hivernales. Sans retrouver les vibrations malsaines qui secouaient ses premiers et lugubres méfaits, le musicien y renoue avec une forme de Black-Metal, plus lancinant et dépressif peut-être, mais néanmoins tout ce qu'il y a de plus noir et rapide. Le fait que les textes de deux des trois compos ait été écrits par Desolate du défunt Austere, n'est sans doute pas étranger à cette couleur désenchantée, patronage évident sur le superbe "Crimson Waters Ebbing The Shore" car espèce de croisement entre ce Black Metal australien et le Rock forestier de Lönndom.
Voilà donc un très bel album d'un métal noir naturaliste, à la fois confirmation pour Fen) et découverte De Arma, qui nous fait espérer que ce dernier ne se limitera pas à cette participation aussi précieuse soit-elle...