Profound Lore Records continue son O.P.A. sur ce que le continent nord-américain compte de plus intéressant en therme de Black Metal et de Doom. Après Wicth Mountain et en attendant Evoken, Ash Borer ou Dysrhythmia, c'est àBosse-de-Nage, dont nous découvrons autant l'existence qu'un nouvel album vibrant d'une puissance cathartique, de faire l'actualité du label.
Basé à San Francisco, ce groupe est une énigme, de par son curieux patronyme mais aussi du fait que l'on sait à peu prêt rien sur lui ou ses membres dont l'identité se reduit à de simples initiales. Expliquant en cela pourquoi (mais pas seulement) Profound Lore les a signé, les Américains, bien que rattaché à la chapelle noire, prennent des libertés avec le credo.
Du Black Metal, ils offrent une lecture très personnelle qui doit presque autant au Sludge pour ces vocalises plus hargneuses et vindicatives que fielleuses qu'au Post-Rock pour ces percées atmosphériques qui ont le bon goût d'aérer des compos aux allures de blocs de matière brute desquels suinte une négativié poisseuse.
Malgré leur caractère terrassant, dynamique dans leur construction, chaque titre est traversé de fulgurences, brisé par des ruptures hallucinées, que ce soient le survolté "The Arborist", scindé en deux par cette batterie qui tricotte des instants mortifères au-dessus d'un gouffre ou "Perceive There A Silence" perforé par une longue fissure instrumentale aux accents hypnotiques avant de cracher en une montée en puissance épidermique un mal-être infini. Celui-ci court d'ailleurs tout du long de cet album empreint d'une immense tristesse laquelle, d'abord diffuse, explose lors d'une seconde partie douloureuse que sépare de la première le minimaliste "Cells".
Avec "The God Ennui" auquel s'enchaîne "An Ideal Ledge", III gagne en effet autant en intensité qu'en noirceur. Toujours prisonnière d'une couche granuleuse, les guitares tissent de véritables câbles d'un désespoir pétrifié, plus proches du Post-Hardcore que du Black Metal orthodoxe. Ces deux ultimes dérelicts plombés déroulent une archictecture passionnante, le premier s'ouvrant sur des mesures feutrées qui s'élèvent peu à peu, prélude au déchainement attendu, le second mourant sur de longues minutes qui vous engourdissent au rythme saccadé d'une batterie dont les martèlements de plus en plus espacés sont comme les derniers battements de coeur avant le trépas.
Excellente découverte, Bosse-de-Nage, auteur d'un album tendu et parcouru de nervures gonflées de mélancolie, démontre si besoin en était encore, le dynamisme, le foisonnement de cette scène US, véritable vivier de groupes talentueux.