Le fait est entendu. Clair Cassis, auquel Josh et Angela ont donné naissance en 2009 dans la foulée du sabordage de Velvet Cacoon, ne remplacera jamais vraiment son aîné trop tôt disparu. Ceux qui espéraient trouver en lui le direct successeur de celui qui fut avec Leviathan et Xasthur une des figures majeures du Black Metal US en seront donc pour leur frais.
De toute façon, était-ce le but des Américains ? Sans doute que non. Au contraire même, serait-on tenter de dire tant Clair Cassis semble vouloir emprunter le chemin inverse de celui creusé par Velvet Cacoon, architecte d'un art noir suicidaire à base de (très) longues complaintes aux confins de l'Ambient. Peut-être que l'hydre à deux tête (depuis rejoint par un batteur à part entière) a estimé - à raison - que, en quatre offrandes plus une compilation, elle avait été au bout de quelque chose. En conséquence, aller plus loin lui paraissait impossible. Aux interminables plages brumeuses de l'ancien d'attache de ses auteurs, Clair Cassis préfère les (très) courtes compositions dont certaines ne dépassent parfois même pas les 3 minutes !
Pourtant, les deux entités sont-elles si différentes que cela ? La question mérite d'être posée car le rétrécissement de la durée ne signifie pas que les Américains aient changé leur fusil d'épaule pour régurgiter un Black supersonique et bas du plafond. Nous en sommes même très loin. Là réside en fait tout le talent de Josh et Angela (dont on découvre du coup la beauté à couper le souffle, d'une noire luminosité).
Après un premier album et un EP, simplement baptisés I et II, Luxury Absolute concentre huit titres en 19 minutes, le tout habillé d'un noble écrin au format A5. Art absolu de la synthèse, il tord le coup aux idées reçues qui veulent que la dépression sonore soit toujours synonyme de longues marches funèbres. A l'extrême opposée formelle de Velvet Cacoon, Clair Cassis poursuit en réalité le travail entamé par son prédécesseur, demeurant fidèles aux aplats Ambient ("Soft Castles") et à une glaciale désolation hivernale ("The March Of March"). Ultra ramassés, ces titres naviguent, errent dans un magma où les instruments, lointains, paraissent noyés sous une funeste couche de cendres. Indaudibles et étouffés, les gargouillis qui tiennent lieu de chant, participent d'une allure fortement instrumentale en même temps qu'à une ambiance fantômatique.
S'il plaira sans doute moins que Velvet Cacoon, Clair Cassis n'en demeure pas moins une création passionnante car elle élabore une oeuvre austère plus exigeante et ambitieuse qu'il n'y parait.