Le Black Metal et la musique industrielle, c'est (déjà) une longue histoire, débutée au milieu des années 90 avec les travaux précurseurs de Mysticum. Si la copulation fiévreuse entre artillerie impie, machines et autres rythmes saccadés a pû surprendre, on s'est depuis habitué à ce genre de sorcellerie qui par ailleurs nous a souvent laissé dubitative.
Avec trois méfaits sous le bras gravés entre 2003 et 2010, Blacklodge peut à juste titre être considéré autant comme un des pionniers hexagonaux et une valeur sûre, de ce qu'on a baptisé logiquement le Black Indus. Le fait que les Français aient rejoint il y a peu le puissant Season Of Mist pouvait aussi bien être une bonne chose en cela que cette signature leur apporte une visibilité accrue, qu'une mauvaise, eu égard à tous ces artistes qui ont tendance à perdre tout ce qui fait leur identité et leur talent une fois accueillis chez un label prestigieux (il n'y a qu'à comparer les derniers albums de Drudkh chez SOM, au demeurant bien faits, avec les premiers à l'époque du modeste Supernal Music). Il suffit des 4 minutes que dure "TridenT", ouverture explosive de MachinatioN pour balayer les quelques doutes que nous nourrissions donc à tort.
Le son, made in Necromorbus (Watain), le nouveau temple de l'extrême, est énorme et on mesure d'entrée combien le groupe sait magistralement couler la noirceur my(s)t(h)ique de l'art noir, ainsi que ses invariants (riffs pollués comme sur "Industrial Temple MysticA", chants haineux...) dans une dynamique mécanique aussi froide qu'infernale. Très vite, l'auditeur est emporté dans un torrent martial, hâpé par cette fureur organique écrasante martelée par un groupe au sommet de ses moyens et de sa puissance visionnaire ("Culto Al Sol [SolarKult]"). Ce faisant, ce dernier donne réellement tout son sens à cette fusion, apocalyptique lorqu'elle est le fait de musiciens inspirés (c'est donc le cas ici), stérile et tournant à vide quand elle est entre les mains d'apprentis sorciers, comme c'est malheureusement trop souvent le cas.
Il paraît en définitive inutile d'individualiser chacune de ces dix pistes bouillonantes de négativité, tant MachinatioN a quelque chose d'un bloc compact aux arêtes tranchantes et à la surface glacée, réceptacle d'un satanisme qui prend toute prolifératrice démesure dans ce cadre dévasté. L'une des principales forces de Blacklodge, prophête d'un culte de la perversion, tient dans cette parure religieuse très personnelle qui drape les rouages obscures de son art. Saint Vincent est le grand ordonnateur de cette cathédrale d'un temps nouveau où coulent le stupre et la drogue.
Si vous ne connaissez pas le groupe alors cette nouvelle ostie vous permettra de réparer cette erreur de la meilleure des façons.