On le croyait disparu depuis 2005 et un troisième méfait (Fuck The Universe) en deça de ses deux prédécesseurs, Total Soul Rape puis Terror Propaganda, qui, au début du nouveau millénaire, ont imposé Craft parmi les émissaires les plus evil du Black Metal suédois voire même du Black Metal tout court. Entre l'éphémère Transitus Mortalis (un seul - pour le moment - album au compteur en 2008) et un rôle de boîte à outil chez Shining le temps de l'unique IV - The Eerie Cold, qui reste d'ailleurs peut-être la dernière oeuvre majeure de Niklas Kvarforth (ceci est une autre histoire) et un coup de main à Watain en live, le guitariste et co-fondateur John Doe (aka John Sjölin) a donc paru ses dernières années plus intéressé à aller butinner ailleurs qu'à maintenir en vie cette entité culte.
C'est presque sans crier gare que Craft est de retour après un (trop) long hiatus de six ans. A l'écoute de Void, on mesure combien les Suédois nous ont manqué et, surtout, ont manqué à la chapelle impie dont on a de plus en plus de mal à découvrir de nouveaux prêtres scandinaves capables d'assurer la relève des Grands Anciens. C'est bien simple, il leur suffit des quatre minutes et quelque que dure l'inaugural (ou presque) "Serpent Soul" pour recouvrir d'un linceul funèbre toute la concurrence suédoise (ou pas) , réussissant qui plus est là où échoue son modèle de toujours, Darkthrone, soit ce Black rampant, décharné et Thrash aux entournures. Sinistre à souhait, la seconde partie qui le déchire en deux est un modèle de perforations reptililiennes. Le mimétisme avec les Norvégiens se veut encore plus flagrant avec "Succumb To Sin", Nox le chanteur faisant alors plus que marcher sur les pas de Nocturno Culto.
Si le son du groupe a évolué depuis ces années de silence, il a gagné en sens des ambiances lugubres ce qu'il a perdu en urgence cradingue. Les guitares polluées de la paire John Doe/Joakim Karlsson, libérant des décharges extrêmement malsaines qui labourent les veines tels des poignards trempés dans la rouille, irriguent toujours des saillies plus longues, plus travaillées sans doute, que leurs devancières.
Bien que le tout s'autorise parfois un aspect mélodique incontestable, à l'image des dernères minutes secouant "The Ground Surrenders", Craft n'est jamais aussi à son avantage que lorsqu'il serre le frein à main et appuie sur l'interrupteur, abîmant alors tout ce qui l'entoure dans la nuit la plus opaque. Le terminal titre éponyme long de plus de 8 minutes, durée encore jamais atteinte par les Suédois et surtout le mortifère "Leaving The Corporal Sin", reptation morbide qui vous engourdit peu à peu, innoculant son venin d'une manière délicieusement obsédante.
Même si les pénétrations les plus "rock'n'roll" sont plus dispensables, Void incarne la quintessence du pur Black Metal, intègre, froid et sans concession, tel qu'il aurait dû rester.