En 2008, nous découvrions Darkest Era par l'entremise d'un EP, The Journey Through Damnation, lequel faisait alors partie des premières sorties de Eyes Like Snow, sous-division de Northern Silence, exaltant une certaine vision du metal, traditionnel et authentique. En l'espace de quatre titres, les Irlandais esquissaient un heavy paré d'oripeaux celtiques dont on devinait, malgré une prise de son encore perfectible, qu'il était très certainement annonciateur de plus grandes choses encore.

Confirmation trois ans plus tard avec The Last Caress Of Light qui fait plus que confirmer ces bonnes impressions. Si Primordial, avec lequel il partage désormais le même label (Metal Blade), honorait le heavy plutôt que le black metal, il pourrait s'appeler Darkest Era. On y croise ce même désespoir dans les lignes de chant, clair ceci dit, de Dwayne "Krum" Maguire", imposant pilier de ce tertre massif, ces mêmes riffs granitiques et une batterie (assurée par une femme, la charmante Lisa Howe !), organique et mangeuse d'espace dont les rouleaux viennent se fracasser contre cette falaise érodée par la pluie et le vent.

Armé de moyens à la hauteur de leurs ambitions, sans pour autant gommer la majesté d'une écriture enracinée dans le socle ensanglanté de l'Irlande du Nord ni la sécheresse minérale de ses atours, le groupe propulse son art vers des sommets. On ne lui reprochera même pas d'avoir glissé au milieu de ces huit compositions deux titres qui figuraient déjà au menu de Journey Through Damnation, d'autant qu'il s'agit de l'épique "Visions Of The Dawn" et de l'hymne "The Morrigan". Le reste se révèle encore plus monumental.

L'inspiration dressée très haut, Darkest Era donne le meilleur de lui-même avec un ensemble absolument irrésistible. Les chefs-d'œuvre se succèdent, de "An Ancient Fire Burns", rapide et rugueux à "To Face The Black Tide", mid-tempo boulversant, culiminant avec "Heathen Burial" et "The Last Caress Of Light Before The Dark". Le premier est littéralement porté par la puissance émotionnel du chanteur tandis qu'un très beau pont instrumental le franchi. Précédé d'un poème où affleurent les racines gaélique du combo, le second achève l'album sur une note épique d'une mélancolique flamboyance. Après un début seulement animé par le chant de Maguire et des accords acoustiques, cette ode terminale part ensuite galoper à travers de vastes paysages verdoyants et escarpés pendant dix minutes de bonheur. Darkest Era y capte toute la beauté de cette Irlande du Nord, tragique et séculaire. Puissance et tristesse irriguent cette chevauchée chargée d'une gravité noble et poignante.

Le groupe signe un très grand disque, d'un heavy metal sombre, habité, à l'instar de Primordial, de cette souffrance propre à la terre qui l'a vu naître en même temps qu'il est un hommage à son histoire et à sa géographie. Sans l'ombre d'un doute, The Last Caress Of Light ouvre pour ses auteurs un avenir radieux.