Farsot a un problème. Celui-ci se nomme "Thematik : Trauer", soit le monumental titre achevant IIII qui, par sa puissance et sa tranchante démesure, écrasait tout le reste de l'album sans doute trop vite réduit à cette piste de plus de 20 minutes et qui, aujourd'hui encore, quatre ans après sa découverte, brouille tout d'abord l'immersion dans ce nouvel opus où beaucoup vont attendre - en vain - une composition du même acabit.
Car avec intelligence, les Allemands, qui ont pris leur temps, n'ont pas conçu Insects comme une simple resucée du disque qui les a fait connaître après seulement deux démos, dont la seconde, 042103Freitod a fait l'objet d'une réédition dans la foulée de IIII, au risque de décevoir ceux qui n'en demandaient pas tant, juste un bis-répétita. Pas de morceau de bravoure tel que celui évoqué plus haut cette fois-ci donc, le fait est entendu. Cela rend-il Insects inférieur à son prédécesseur ?
Seules de nombreuses écoutes pourront finalement en apporter la réponse. Et au bout du compte, c'est peut-être bien vers cette seconde offrande que tend notre préférence car cette dernière se révèle plus équilibrée, plus compacte que sa devancière, qui vous ferre dès le monstrueux "Like Flakes Of Rust" jusqu'au terminal "Somnolent". Moins personnelle sans doute également, Insects voit ses auteurs braconner sur les terres de leur compatriote Secrets Of The Moon, avec lequel ils ont toutefois toujours partagé cette même approche, très germanique, du Black Metal, avec cette dureté du son, cette froideur abrupte, presque austère. Toutefois, le court instrumental "7", manière de pause médiane, très progressif dans l'âme, témoigne que Farsot n'a pas renoncé à ses velléités d'exploration et donc, à une identité évolutive très tôt affirmée. De même, une compo telle que "Adamantine Chains" illustre bien cet art de l'architecture complexe cher au groupe.
Différent de son aîné en cela déjà qu'il ne forme pas un concept, Insects n'en est pourtant pas toujours si éloigné. Comme s'il savait ce que ses fans attendent et s'en amusant, le groupe place durant l'album une référence évidente à "Thematik : Trauer", au milieu de l'énorme "Empyrean", qui peut être perçu comme son faux frère jumeau, en plus ramassé cependant.
Farsot forge toujours un Black Metal très sombre et cérébral où chaque pièce est élaborée comme une partie s'emboitant dans un ensemble. Les titres s'enchaînent sans que jamais l'intensité ne retombe où faiblisse. Plus l'album avance, plus celui-ci empreinte des chemins escarpés, moins directs où sont tapies des fulgurances auxquelles on ne s'attend pas. Homogène, l'œuvre n'en est pas moins variée. Quel rapport en effet entre "The Vermillon Trail", aux premières mesures atmosphériques, et le lourd "Withdrawal", bunker lancinant néanmoins zébré d'éclairs quasi progressifs, si ce n'est un substrat minéral identique.
Riche de pulsations aussi noires que passionnantes, Insects est un très grand disque, grondant d'une tension sourde qui, passée la relative déception initiale, mérite une attention particulière, laquelle dévoile au final une œuvre plus aboutie encore que IIII.