Alors que cela devrait être aisé, chroniquer un album de Nile se révèle un exercice plus ardu qu'il n'y parait. Le groupe, fidèle à des standards de qualité élévés, peut difficilement être attaqué, autant dans le fond que dans la forme. Les plus exigeants auront certes fait la fine bouche sur un Ithyphallic qui n'apportait pas grande chose de neuf, sans que l'on s'inquète quant à la santé de celui qui reste avec Immolation la plus brutale des boucheries américaines, la plus intéressante surtout à l'heure du naufrage de Morbid Angel ou de la semi retraite de Cannibal Corpse.
Bref, avec Nile, on sait à quoi s'attendre, d'autant plus que c'est un univers très personnel et reconnaissable entre mille qu'il a peu à peu établi dont les principales caractéristiques reposent à la fois sur cette thématique empreintée à l'Egypte ancienne à laquelle on s'est depuis habituée et ce Death Metal ultra technique exécuté par des monstres de virtuosité.
At The Gate Of Sethu reprend ainsi les choses où les a laissées Those Whom The God Detest il y a trois ans, érigeant un temple pyramidal au maillage serré et parcouru par une tension inouïe. Au-delà de la suprematie technique coutumière chez Nile, ce qui frappe toujours autant, ce sont ces ambiances sombres, presque oppressantes ("The Fiends Who Comes To Seal The Magick Of The Deceased") distillées par cette infernale imbrication de guitares ainsi que ce travail sur le chant, aux multiples tessitures, tour à tour venineuses ou grondantes, oeuvre autant de Sanders que de Dallas Toler-Wade.
Balisé par de discrètes arabesques tribales, sous la forme d'intermèdes instrumentaux ("Slaves Of Xul" puis "Ethno Musicological Cannibalisms") ou d'introductions ("The Chaining Of The Iniquitous"), l'album déroule un menu d'une ampleur peu commune dans le genre, presque cinématique parfois, à l'image du reptilien "When My Wrath Is Done" ou de "The Gods Who Light Up The Sky At The Gate Of Sethu".
Ramassés et denses, complexes et d'une intensité séculaire, ces titres sont batis sur une superposition de strates qui n'altèrent en rien leur capacité d'annihilation. S'il ne fallait citer qu'un exemple, se serait sans l'ombre d'un doute "Supreme Humanism Of Megalomania", terrassé par la batterie mangeuse d'espace du monstrueux George Kollias en même temps que théâtre de lignes de six-cordes démentielles entre rouleaux-compresseur et perforations supersoniques.
S'il n'invente (plus) rien, au moins Nile ne faiblit-il pas en terme de brutalité. At The Gate Of Sethu est une bonne pioche mais sûrement pas le chef-d'oeuvre de ses auteurs dont il est tout de même permis de penser qu'ils ont atteint depuis longtemps leur apogée créatrice, ce qui ne nous empêchera pas pour autant d'apprécier ce septième album à sa juste mesure...