"Turn Loose The Swans" a installé My Dying Bride parmi les leaders de la scène doom à tendances gothiques en Europe. Et l'attente autour de ce troisième album, "The Angel & The Dark River", est très forte parmi les amateurs d'un genre en pleine explosion en cette année 1995. Le sextuor va donc logiquement continuer sur sa lancée en affinant encore plus son style. Les vocaux death ont complètement disparus tandis que violon et claviers de Martin Powell semblent encore plus intégrés aux morceaux et ne sont plus de simples accompagnements musicaux.
Présentant 6 titres, l'album est le petit frère tout aussi réussi de son glorieux prédécesseur. Au chant, Aaron est parfait dans ce style larmoyant, lancinant et compteur, insufflant aux chansons cette belle tristesse qui fait le charme du groupe. Par son nom, l'album donne l'impression d'une lutte entre le bien et le mal, le ying et le yang, mais sans que l'on sache nettement différencier l'un de l'autre. Cerise sur le gâteau, My Dying Bride compose ici, en ouverture d'album, ce qui reste encore des années plus tard, son titre phare auprès des fans: "The Cry Of Mankind". Doté d'une mélodie entêtante avec un riff répété à l'extrême le long des 12 minutes qu'il dure, ce morceau est un véritable hymne doom aux allures d'hommage à la gloire de la fin de l'humanité. De plus, la longue fin, comme la mélodie de départ, donne l'impression d'être répétée à l'infinie, lui donne une allure hypnotique et envoutante en forme d'éclaircie, comme si l'ange et le blanc prenaient l'avantage.
A côté, la suite n'a pas à rougir de la comparaison. La noirceur est bien présente aux détours de titres à la beauté froide. Entre "From Darkest Skies", magnifié par le piano de Powell, et aux allures de chant funèbre ténébreux, "Black Voyage", dont le début avec violon laisse faussement entretenir l'espoir avant qu'une deuxième partie sombre, lancinante et sans issues n'achève cette douce illusions, il y a de quoi faire au niveau de l'abattement. A l'inverse, "A Sea To Suffer In", malgré un titre peu engageant, redonne un peu l'envie, encore emmené par une ligne de violon brillante et supplantant presque les guitares. Cette chanson semble être un appel à la vie après la souffrance. De plus, Aaron chante plus qu'il ne gémit et cela donne au titre de forts belles couleurs, d'une rare profondeur, accentuant le côté gothique de la musique. "Two Winters Only" accentue cette impression, et au travers d'une douce mélodie est même très accessible au commun des mortels. Cela plus le violon ainsi que les vocaux parlés et plaintifs, donnent à ce titre une force rare, pleine d'émotions. Enfin, "Your Shamefull Heaven" retrouve des aspects nettement plus heavy et rentre-dedans et a tôt fait de nous ramener à la cruelle réalité de la chute de l'humanité.
Avec ce troisième album, My Dying Bride réussit un nouveau très beau travail, il n'a certes que très peu fait évoluer sa formule musicale, mais il la maitrise tellement bien que l'on savoure cela avec un plaisir infini. De plus, la place de plus en plus forte du violon et la présence de mélodies plus abordables laissent à penser que la formation britannique n'a pas fini de surprendre. En attendant, "The Angel & The Dark River" est à placer au panthéon du métal doom gothique aux côtés d'un "Icon" ou d'un "Silent Enigma".
A signaler qu'il existe une très belle édition collector de l'album avec un DVD live capté en Pologne en 1996, des vidéos promos et des titres bonus, dont l'indispensable "The Sexuality Of Bereavement", extrait d'un Ep de 1994, sombre et death à souhait, prévu pour le deuxième album et qui est un petit caviar qui y aurait largement eu sa place.